A chaque voyage, on perd et on gagne. Ce dimanche 6 février 2011, en quittant Bayreuth pour Nuremberg et ensuite Paris, je me rends compte de cette réalité : les rencontres universitaires sont encore plus courtes que les rencontres littéraires, mais il faut sy faire. Bayreuth, par exemple. Je nen ai pas vu grand chose, mais jy ai fait des retrouvailles émouvantes.
Je déteste les voyages à peine a-t-on le temps de poser son trolley, de ranger son costume et de disperser ses chaussettes dans la chambre dhôtel (comme si on était à la maison) que, déjà, lon doit songer à tout remballer, vérifier son passeport et régler la note dhôtel. Je déteste les voyages, cest toujours trop court ! A chaque voyage, on perd et on gagne. Ce dimanche 6 février 2011, en quittant Bayreuth pour Nuremberg et ensuite Paris, je me rends compte de cette réalité : les rencontres universitaires sont encore plus courtes que les rencontres littéraires, mais il faut sy faire. Bayreuth, par exemple. Je nen ai pas vu grand chose, mais jy ai fait des retrouvailles émouvantes.
Jy ai retrouvé avec un plaisir teinté de nostalgie, le dramaturge Sénouvo Agbota Zinsou, exilé (à jamais ?) en Bavière. Zinsou, quelle histoire ! Jai appris le théâtre en compagnie de cet homme, directeur de la troupe nationale dans les années 80-90.
Puis sont arrivées les années de braises. Zinsou sest lancé en politique, après la conférence nationale souveraine, il est devenu parlementaire. Puis larmée a mis fin brutalement aux activités du Haut Conseil de la République, et Zinsou a fui vers le Bénin, ensuite vers lAllemagne.
A Bayreuth, où je séjournais dans le cadre du projet « Théâtre et Société au Togo », Zinsou a raconté avec émotion comment il a vécu à Lomé dans la terreur. Le jour, il dormait, la nuit il faisait le guet pour éviter que les militaires, lâchés dans la nature, ne le cueillent par surprise. Lhomme a pris de lâge, je le regarde et me dis : lun des plus grand maîtres du théâtre togolais exilé pour toujours, à qui personne na jamais songé à rendre hommage, même pas luniversité de son pays !
Dailleurs cest curieux. On a longtemps reproché à Zinsou davoir glorifié le régime du général Eyadema. La polémique autour dune pièce de théâtre mystérieuse de lauteur, jamais éditée, Le soldat de la paix, a démarré curieusement à Bayreuth en 1995 lors dun séminaire, où luniversitaire béninois Guy Ossito Midiohouan, a agressé lauteur en le traitant décrivain à la solde du régime. Zinsou rapporte lhistoire en se marrant : « Je lui ai répondu, à Guy, que le temps nétait pas venu de parler de cette pièce ». Sacré Zinsou !
Pour qui a eu la chance de lire cette pièce représentée une seule fois, et surtout pour qui connaît la complexité de lhumour du dramaturge , (cf. On joue la comédie), la remarque espiègle de Zinsou a du sens. Le soldat de la paix est une caricature grotesque, une mise en scène totalement exagérée des manières de faire léloge dun chef.
Avant son départ du Togo, Zinsou, que ma génération moquait à tort, avait écrit et mis en scène une autre pièce intitulé Le Chien royal. La pièce était une critique déguisée du régime militaire sous lequel nous vivions. Très peu de gens y avaient fait attention. Je comprends aujourdhui que ce maître en distanciation nous aura tous bluffé !
Zinsou fait toujours du théâtre mais en allemand. Exilé une seconde fois, dans une langue étrangère. Comment vit-il cet exil ? Lhomme sourit, je nen saurai pas plus. Je lai quitté le lendemain, le cur serré. Son rire me poursuit encore.