Y a t-il une pensée dans le roman togolais ?

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togoeducation-etudiezLes journées d’étude du Département de Lettres Modernes de l’Université de Lomé sont une tradition universitaire qui se perpétue depuis trois ans. L’événement est organisé conjointement avec le Festival Filbleu, festival littéraire qui se débat pour entretenir le goût des belles lettres auprès du public passionné. Cette année, pour sa troisième édition qui aura lieu les 30 et 31 mars, « les journées d’étude » consacrent la réflexion au roman togolais ici et ailleurs. Trois panels sont prévus sur les deux jours. Primo : Y a-t-il une pensée dans le roman togolais ? Secundo : Le roman togolais et la critique universitaire. Tertio : Discours et figures d’autorité dans le champ littéraire togolais. Les questions soulevées dans les panels présentent un intérêt certain pour entamer des discussions sérieuses. Mais je voudrais me permettre quelques remarques de lecteur du roman togolais sur la question suivante : y a-t-il une pensée dans le roman togolais ?
Afan_Huenumadji0Il m’apparaît que la question est une véritable problématique sur le lien plausible entre fiction et mentalités d’époque, car à chaque temps correspond des visions de romanciers. A la sortie de la colonisation, un écrivain comme David Ananou s’était fait l’apôtre du christianisme, et les critiques, pour la plupart anticolonialistes, lui avaient reproché de pourfendre nos visions animistes du monde et de célébrer la religion coloniale. Point de vue que l’universitaire togolais Huenumadji Afan a été le seul à réfuter en Avril 2000 dans un court essai malheureusement inédit intitulé Un écrivain chrétien : David Ananou, apôtre de l’espérance, qui réaffirme la liberté absolue de l’écrivain par rapport aux lectures idéologiques.

pfbaguissogasatraL’affaire devient carrément jouissive quand on aborde les romans de Sami Tchak, tel que le critique Baguissoga Satra l’a fait dans un essai consacré à celui-ci : Les audaces érotiques dans l’écriture de Sami Tchak, Paris, L’Harmattan, 2010. La deuxième partie de ce travail, « Erotisme et éducation sentimentale », fournit la matière à Satra de faire un saut périlleux, en tentant d’établir les liens, entre une pensée du roman produite sur la base d’une écriture bousculée, et d’une morale selon des codex matrimoniaux et conjugaux propres aux communautés dans lesquelles se déploient le récit. Mais justement, quelles sont ces communautés ? Où se déploie le récit du Paradis des chiots, de La Fête des masques, pour ne citer que ces deux romans ? La question paraît simple, mais la réponse ne l’est pas, tant l’humanité des personnages du romancier postule d’une commune humaine condition. Les normes sociologiques et esthétiques utilisées par Satra n’ont aucune peine à convaincre le lecteur sur une question aussi essentielle que celle du tabou, par exemple, mais aussi celle de l’inceste. L’imago du père, de la mère, de la fille adulée (la fille unique chérie), du beau-père et celui envoûtant de la belle-sœur dans le sous-système des responsabilités et des liens parentaux rend complet l’architecture familiale assez délibérément marginale dans les romans de Tchak. Le système de Tchak s’autonourrit de sa logique provocatrice, et en cela Satra la justement relevé : « Généralement, écrit-il, le public qui représente la société, condamne les personnages marginaux. Mais dans les romans de S.T., l’entourage des héros hésite à condamner les comportements déviants… » (p. 169). Et pour cause, il y a par-delà la marginalité souvent sexuelle (même quant le romancier traite de la maternité), l’idée d’un amour et d’une sexualité idéalisés, en clair d’une morale personnelle comme horizon d’attente implicite proposée au lecteur. Voilà qui promet : rendez-vous le 30 mars à l’Université. Et à mardi prochain, Inch’Alem !

3 thoughts on “Y a t-il une pensée dans le roman togolais ?”

  1. C’est affreusement beau de mener des réflexions sur la littérature togolaise. C’est déjà un espoir. Mais je préférerais que l’ université mette à la disposition des étudiants en lettres des UE sur la pratique de l’ écriture(roman, poésie, théâtre…)

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