
Fragile monarchie que celle des Gnassingbe. Un clan bicéphale (Faure, Kpatcha) dont les intentions de rupture par rapport au règne catastrophique du père, Gnassingbe Eyadema, sont aussi contradictoires que floues. Plusieurs fois personnellement, jai tenté ces deux dernières années, comme beaucoup dautres Togolais curieux de sonder le cur de la bête, dapprocher le sommet de cette pyramide où les pharaons brillent moins par leur capacité à révolutionner et les institutions et la manière de gouverner que par leur appétit de prédateur à la tête des quelques sociétés qui font encore rentrer un peu dargent dans les caisses de lÉtat togolais. Peine perdue. Il y a, collée à leur argumentaire de rejet, lidée quon nest pas de leur camp, et quon viendrait juste les espionner. Un proche de Faure Gnassingbe ma même dit quon préférait dans le cercle fermé du clan, les gens qui « bouffent » et se taisent à ceux qui ont envie de bosser pour leur pays. Jen ai conclu que le malaise de ceux qui sont arrivés au pouvoir, dans des conditions dont même les aveugles ne sont pas dupes, que leur malaise est grand, parce que relevant dune double incapacité : impossibilité à se faire accepter par un peuple qui ne les a pas élus, incapacité à démocratiser une société qui ne cesse de se dégrader, et dont les ressources humaines sont disponibles pourtant. Il y a des jours, quand on est Togolais, on croit rêver. Autant de manque denvergure de la part de gouvernants entourés de pays dont les leaders, eux, ne manquent pas de panache. On en déduit donc que le vrai problème du clan au pouvoir est celui de navoir pas résolu ses propres contradictions, à savoir, à qui des fils Eyadema le pouvoir était censé revenir ! Doù ces rumeurs qui circulent de plus en plus de la possibilité dun coup dÉtat dun des frères contre lautre. Certains analystes politiques togolais sont même allés jusquà lancer des appels sur lInternet aux officiers togolais, les suppliant de remettre les pendules à lheure, comme en Mauritanie, avant que Abel et Caïn ne sentretuent.
Foin de précaution, disons-le haut et fort. Il est vrai quavec sa crise politique qui perdure depuis le début des années 1990, le Togo a désormais atteint le fond, avec une classe de penseurs de la chose publique bridés et un clan dusurpateurs accrochés à des privilèges qui datent de leur participation à la gestion dictatoriale du pays. Entre les deux, il y a la grande masse des citoyens qui sait que le Togo nest pas la Mauritanie, et quun coup dÉtat au Togo est une illusion tentante mais dangereuse. Vu la duplicité quil y a au sein même du corps des officiers, comme le rappelle laffaire de la démission du Commandant Boko en avril 2005, en pleine mascarade électorale, et compte tenu de la prégnance ethnique de larmée togolaise, un coup dÉtat ne serait quun jeu de chaises musicales auquel se livreraient les mêmes qui tiennent en main les rênes dun pouvoir à bout de souffle. À moins que vraiment il y ait du nouveau chez les militaires togolais, un nouvel état desprit qui transcende lethnie et les solidarités de privilégiés. Cqfd !
Non, si la lucidité est vraiment la blessure la plus proche du soleil, soyons lucides ! Linterdiction de la marche du samedi 4 août 2007 est le signe que la voie électorale, même avec ses aspérités, est une voie intéressante. La dénonciation des couacs du processus met en lumière plutôt la vigilance des forces de lopposition et de la société civile, et il ne fait pas de doute que des manuvres sont en route pour éventuellement ne pas aller aux urnes. Quel est ce peuple qui, à force de déni de droit, en est arrivé à la certitude quune énième victoire des forces opposées à la monarchie régnante est possible, mais refuse de sorganiser pour que cette fois-ci cette victoire soit reconnue par le monde entier ? Le premier coup dÉtat à réussir cest de mettre toutes nos forces physiques et intellectuelles au service dune franche victoire électorale, dabord, et de se préparer pour des échéances plus grandes encore. Car le temps des privilégiés nest pas le temps de lHistoire, celle-ci appartient aux peuples, qui doivent apprendre à ne pas désespérer de leurs capacités à vaincre à long terme, surtout quand on a déjà beaucoup brûlé du temps.
Les signes dune mort clinique de la société togolaise sont là, dans ces chiffres terribles : produit intérieur brut (PIB) par habitant, 174 024 francs CFA avec un taux de croissance du même PIB en 2006 de +1,5 %. Lévaluation de sa croissance en 2007 serait de +2,9 %. Lannée dernière, linflation était de : +2,2 % (chiffres davril 2007). Autant dire, même dans la rangée des derniers de la classe, nous sommes parmi ceux qui pataugent dans leurs propres déjections. Pourquoi remplacer alors Abel par Caïn ? Autant se débarrasser des deux, par une sanction populaire, en protégeant notre victoire cette fois-ci sérieusement contre les usurpations. Si nous nous en croyons incapable, techniquement et intellectuellement, alors
Kangni Alem
©Août 2007