Radio France Internationale plus connue sous le sigle de RFI a rendu publique, voici deux mois, sa nouvelle grille de programmes. Comme la tradition limpose, de nouvelles émissions sont nées, de nouvelles voix ont fait leurs entrées, danciens programmes ont été supprimés. Parmi ceux-ci, « cahier nomade ». Une émission produite par Didier Bleue avec Zohra Sotty et lanimatrice principale Sophie Ekoué. Je pensais que ce magazine avait connu une nouvelle configuration, que son producteur ou ses animatrices lavaient reprofilé. Ou même quil avait été remplacé par un autre avec dautres journalistes. Mais cest avec surprise que je me suis rendu compte que, même en version proche ou lointaine, « cahier nomade » nexiste plus. Pour ceux qui ne le savent pas, le magazine auquel on a fini par identifier Sophie Ekoué, est une émission quotidienne de vingt minutes consacrée aux expressions culturelles de lAfrique et de sa diaspora : cinéma, théâtre, littérature, arts plastiques, danse, photo, mode, cuisine, festivals, patrimoine, sites historiques. Toutes les sensibilités, si variées soient-elles, nous étaient données à saisir à travers des reportages, des interviews, des films sonores des différents acteurs culturels. Le magazine, au départ, sappelait « cultures africaines ». Puis, il était devenu « la case du cur » avant de prendre sa forme définitive avec « cahier nomade ». Je soupçonne dailleurs Sophie davoir emprunté ce nom au deuxième recueil de nouvelles de lécrivain djiboutien, Abdourhamane Waberi intitulé justement Cahier nomade. Pendant plus de dix ans donc, le magazine a rendu compte de lactualité des créateurs du continent. Je ne me souviens pas décrivains, de cinéaste, de metteur en scène, de plasticiens principalement du monde francophone dont les travaux naient pas fait lobjet de reportages dans ce programme. Dailleurs, beaucoup dartistes considéraient cet espace comme un passage obligé. Sil amplifiait leurs voix, il les révélait aussi au grand public. Javoue moi-même que cétait avec beaucoup de plaisir que jaimais suivre ce magazine et me faire interviewer par Zohra ou Sophie elle-même.
Ce qui ma toujours impressionné le plus chez cette journaliste togolaise, cest sa passion de la littérature. Elle disposait sur les étagères de son bureau, des paquets de livres quelle lisait avec doigté et professionnalisme. Elle faisait attention à des détails auxquels, dordinaire, on ne pense pas. Des thèmes sous-jacents deviennent tout aussi importants que le sujet central. Des allusions et des correspondances littéraires insoupçonnables sont souvent établies entre les ouvrages. En même temps quelle vous interroge, elle vous fait redécouvrir les non-dits de votre propre uvre. Je me rappelle aussi les commentaires quelle réussissait à arracher à Tirtankar Chandar (je ne suis pas sûr de lorthographe) journaliste dorigine indienne les vendredis, sur les littératures des contrées lusophones, anglophones, arabophones, hispanophones, les uvres traduites des écrivains comme André Brink, Chester Himes, Naipaul, etc. Et cest la même chose dans les autres secteurs artistiques. Du bonheur. Que jaimerais tant que les journalistes culturels, sous nos cieux, arrivent à nous donner à travers leurs prestations. Mais cette aventure parait relever du passé. Car, dans la nouvelle grille de programmes, Sophie sest retrouvée avec Laurent Sadoux, dans un magazine intitulé « la vie en vraie ». Une rubrique de dix, huit ou même cinq minutes à lintérieur dun programme dinformations continues consacrées à lAfrique. Entre 12 heures 30 et 13 heures 30 (GMT). Là, elle interroge des créateurs sur lactualité de leurs activités. A lentendre, je la sens très à létroit. Loin, vraiment loin de son potentiel habituel. Sil est vrai que sa passion de nous faire aimer lAfrique des artistes est encore intacte, il me semble quelle est noyée dans les mille rubriques que contient cette « vie en vraie ». Est-ce parce quelle cherche encore ses marques ? Ou est-ce parce que « cette vie en vraie » est trop
en vrac ?