La représentation eut lieu à l’église évangélique de Lomé, non loin du wharf. Ce jour reste l’un de mes meilleurs souvenirs de l’année 1943. Je vais te dire pourquoi. Toutes les commerçantes de Lomé y étaient, elles étaient venues soutenir et applaudir Piam Piam dans le rôle de Déborah, la sœur de Rébecca. Les chants, composés entièrement en éwé, étaient magnifiques. Tout le monde chantait dans le spectacle. Isaac et son père Abraham, le chœur des filles de Canaan, Éliezer le vieux serviteur d’un Abraham sénile, envoyé par ce dernier à la recherche d’une épouse vertueuse pour son fils Isaac, le chœur des jeunes filles de Mésopotamie, Rébecca, fille de Béthuel, Béthuel lui-même et son fils Laban, frère de Rébecca, Déborah la pieuse nourrice de Rébecca qui l’accompagnera dans son mariage. Tout le monde dansait. Des danses nouvelles et étranges que le public découvrait : des mouvements de bras et des déplacements du buste lents ou rapides, des déhanchements vifs et complexes, une chorégraphie qui empruntait autant aux danses orientales qu’aux danses des féticheuses des couvents. Malgré son « petit rôle », Piam Piam était visible partout. Surtout pendant la marche nuptiale ponctuée de cantiques laudatives, où l’orchestre de cuivres donna toute la mesure de son savoir-faire musical. Monsieur Moorhouse Apedo-Amah, maestro parmi les maestros, fut salué debout et dans un raffut sans pareil de percussions par ses pairs musiciens des autres paroisses qui l’élisaient « père de la kantata togolaise ».