Peu d’épouses s’appellent Astrid (PESA) de Daniel LAWSON-BODY

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pesaJe me propose de vous faire redécouvrir cette note écrite par le critique Edem Latevi, à propos du roman Peu d’épouses s’appellent Astrid de Daniel Lawson-Body qui vient de nous quitter le dimanche 12 Avril 2015.

Source: https://edemlatevi.wordpress.com/2014/02/04/note-de-lecture-peu-depouses-sappellent-astrid-pesa-de-daniel-lawson-body/

Daniel LAWSON-BODY vient de publier son troisième roman intitulé : Peu D’épouses s’appellent Astrid (PESA) aux éditions HAHO. C’est une histoire d’amour, oui, une encore ou une de plus pour non pas grossir inutilement les myriades d’histoires amoureuses qui peuplent déjà notre imaginaire. Ce qu’il faut retenir : « Astrid a aimé en donnant la pleine mesure de l’amour, … Oser l’amour. Aimez ! Aimez donc ! Et que demain, la postérité, prenant connaissance de ce qu’auront été nos vies ici-bas, puisse s’écrier d’une même voix : « Ils ont vraiment aimé ». Ou encore « Le bonheur reste pour tout humain ici-bas, une éternelle illusion après laquelle il ne cesse de courir sa vie durant ». Avec ces deux séquences, vous venez de goûter vous aussi à la fraîcheur poétique et à la profondeur de PESA.

A présent, appréhendons le comment puisque l’essentiel est là. La forme importe plus, car elle est la valeur ajoutée qui fait d’une histoire un récit et plus qu’un récit : une œuvre d’art. En effet, au plan structurel, c’est de la vieille forme du polar qui crée et maintient le suspens qu’est fait la charpente de PESA. Les analepses et les prolepses tiennent l’ensemble du récit et sollicitent l’attention du lecteur tout au long de l’histoire. Ces évocations après coup entretiennent l’illusion du nouveau par des flashbacks etc. Nous parlons de nouveau par rapport aux informations introduites par ces derniers.

Le plus intéressant, c’est la structure ternaire ou triangulaire qui se retrouve dans les profondeurs de l’œuvre. En effet, au plan de l’histoire nous identifions par le réalisme dont fait preuve l’auteur deux points A et B dans l’espace qui forment un segment : c’est la trajectoire de deux vies unies par une valeur universelle. Cette histoire racontée semble si réelle qu’elle peut vous arracher des larmes. D’aucuns trouveront en ces deux points A et B une structure binaire et oppositionnelle. Cependant, PESA offre un troisième point C qui représente l’idéal porté par l’œuvre. J’allais dire son esthétique. Ce point C est aussi le positionnement de l’auteur. Ceci ne se donne pas à lire de facto puisqu’il faut le chercher dans les plis du texte. DLB s’inscrit dans cette logique de quête permanente de l’idéal d’où la coloration chevaleresque de ce roman et l’évocation des thèmes classiques comme l’honneur, la bravoure, l’amour etc. Ceci dit nous naissons pour quêter ‘’une éternelle illusion ‘’. Ne doit-on pas accorder crédit à Platon qui fut le premier à traiter notre monde d’illusoire?

Par ailleurs, l’écriture de DLB fonctionne comme une sédimentation, un dépôt constant des vies et des histoires de vie ; une accumulation des expériences de vie où chacun trouvera sa vérité singulière. La syntaxe des phrases en est tributaire par l’accumulation des adjectifs et des adverbes. Elle est aussi une quête du vocable juste pour désigner la réalité. Et, puisque le parfait n’est pas de ce monde pour DLB, il lui faut, pour équarrir l’absolu, fournir un supplément d’effort. Pour une réalité idéale évoquée, il faut une bonne mesure d’épithètes et d’adverbes. DLB est un perfectionniste masochiste au sens positif du terme. Il nous propose aussi de repousser les limites ordinaires de l’amour, aller au-delà, découvrir, apprendre, connaître puis dépasser nos certitudes. C’est là une vision perfectionniste qui nous rappelle Karl Jaspers dont la philosophie une quête de la vérité.

Du côté des personnages, la femme occupe une place de choix dans cette œuvre. Cela n’est plus à démontrer. Ce choix justifie la notion de quête et de l’élévation. Nos fantasmes, nos désires inassouvis sont mieux représenter par la femme. Au passage, ces femmes que l’on n’a pas réussi à conquérir, peuvent aussi s’appeler Astrid. Elles nous font languir et restent à jamais graver dans le roc de notre imaginaire ; à la fois près et très loin de nous. Astrid fait ce que la femme n’a jamais, enfin presque, fait dans l’histoire de l’humanité : donner sa vie. Cette déconstruction du modèle féminin longtemps porté par la littérature fait l’originalité majeure de l’œuvre. Puisqu’en même temps que DLB déconstruit l‘ancien modèle, il construit un autre. Nous parlerons alors de déconstruction et construction.

Cependant, nous pouvons lire chez cet auteur une forme de naïveté en amour, connaissant la réalité qui nous environne en ce 21ème siècle. Le sexe prime sur le sentiment. Le sentiment disparaît au profit de ce qui garantie la survie : l’argent. Vivre à deux est plus un contrat social que l’expression de l’amour. Tellement les calculs sont énormes et délicats. Il se pose alors une interrogation. PESA est-elle une réminiscence du moyen âge et du classicisme ? Ou un ouvrage précurseur qui annoncerait les prochaines préoccupations de nos auteurs ? J’avoue que la classification d’une telle œuvre posera un problème aux critiques. On peut se demander si réellement DLB porte sa date. Si oui. Laquelle ? Son passé à lui ou notre présent partagé?

4 thoughts on “Peu d’épouses s’appellent Astrid (PESA) de Daniel LAWSON-BODY”

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