Cotonou, 9 Avril 2010. Je suis invité par le Département de Lettres Modernes de lUniversité dAbomey-Calavi pour assister à une présentation critique de ma pièce Nuit de cristal par les étudiants en études théâtrales dirigés par le Professeur Bienvenu Koudjo. En fait le cours na pas lieu sur le campus de Calavi mais en plein Cotonou…

Cotonou, 9 Avril 2010. Je suis invité par le Département de Lettres Modernes de lUniversité dAbomey-Calavi pour assister à une présentation critique de ma pièce Nuit de cristal par les étudiants en études théâtrales dirigés par le Professeur Bienvenu Koudjo. En fait le cours na pas lieu sur le campus de Calavi mais en plein Cotonou ; en effet, lami Bienvenu avait fait délocaliser son cours dans lenceinte de la paroisse Notre-Dame de Cotonou. Ambiance. Dun côté, les bruits de la messe de samedi à léglise ou les répétitions de la chorale nul ne sait, de lautre les klaxons des voitures et des motos sur le boulevard dà-côté ! Pour la concentration, ce nest pas facile, ah nos prouesses quotidiennes en Afrique ! A part cela, jai bu du petit lait pendant la présentation de Nuit de cristal, une pièce difficile, que je qualifie moi-même de grimoire, écrite entre 1991 et 1993, à un moment de ma vie où le Togo ménervait à un haut point : turpitudes de ses hommes politiques, violences physiques sur les citoyens. Texte truffé de délires, traversé de vulgarités au niveau du langage, pour tenter dêtre en phase avec la mentalité dépoque dun peuple à la mémoire prise en otage. En écoutant les étudiants béninois parler, jai refait ma traversée du cristal, et me suis souvenu que javais écris ce texte loin du Togo mais près de ma douleur, très près de mes désillusions de jeune militant rêveur. On venait dassassiner mon ami Tavio Amorin (alias Niroma) dans la pièce, que je lui avais dédicacée dailleurs. Malgré cela, Nuit de cristal se voulait un texte dramatique qui épuise la structure et renouvelle la manière décrire une mémoire fragmentée. Dailleurs cela na pas échappé aux étudiants qui, par exemple, sétonnent que je mette en scène des fantômes ! Comment représenter au théâtre de telles entités ? Jai ri et répondu, facile il suffit de payer un acteur pour jouer le rôle ! Il y a eu des perles dans le débat. Qui est Yamatoké ? Si lon fait lonomastique du mot, Yama pourrait être Eyadema, mais cest quoi « toké » ? Un oiseau, un mammifère ? Et Aurélia, la prostituée, comment peut-on lui faire porter lespoir de tout un peuple ? La pause et le vide dans les longues tirades ne pourraient-ils pas créer une stagnation dans le jeu ? Bah, ai-je répondu, il suffit délectrocuter le comédien, il aurait du rythme dans son jeu, nan !
Quand je vous disais que jai bu du petit lait. Le fantastique piège au théâtre, je suis payé pour le savoir, et Nuit de cristal en joue. Les espaces du texte sont proches dans leur opposition même : lasile et le cimetière. Dans les deux cas, ce ne sont pas des espaces de vie, mais de transition vers
alors je peux admettre toutes les interprétations ! Nuit de cristal est un grimoire, mais jai été ravi den rediscuter 16 années après sa publication ! 16 ans déjà, et que de chemin parcouru, mais la vie est courte et lart si long, et nos mémoires fugaces. Merci aux étudiants béninois.