
A quoi servent les humanités ?
A chaque période de crise, les disciplines liées aux sciences humaines sont soupçonnées. On les décrète inutiles, budgétivores…
Et ceux qui les enseignent sont taxés de ronds-de-cuir luxueux.
Le soupçon est pervers, à un point tel que même ceux qui sont formés pour défendre la maison en viennent à se saborder. On demande aux enseignants d’histoire, langue, littérature, philosophie… de s’inspirer de l’utilité du droit, de la finance, de l’économie, et j’en passe. Comme si l’économie, par exemple, n’était pas qu’une vision de la gestion du monde et non un outil fiable capable de remplir sur le champ le ventre du chômeur d’Aklakou!
L’enseignant des humanités n’est pas un gadget pour notre pays. Moins qu’un slogan, il s’agit là d’une conviction qui induit des responsabilités claires. Dans un monde de concurrence économique mondialisée, les humanités ont un intérêt social et politique. Ce que démontre la philosophe américaine Martha Nussbaum dans son dernier livre intitulé Not For Profit et traduit en français sous le titre Les émotions démocratiques. Comment former le citoyen du 21e siècle (Nouveaux Horizons, 2011). Je recommande sa lecture à ceux qui doutent et rompent la garde. Comme Nussbaum, je ne pense pas qu’il faille à tout prix préserver en l’état l’enseignement et la recherche en art et humanités malgré les crises. Au contraire, mon plaidoyer vise à une réforme profonde et exigeante de la manière dont nous enseignons et pratiquons les humanités.
Par ailleurs, si les valeurs démocratiques nous tiennent à cœur, il me paraît logique de former non seulement de bons techniciens, mais également des hommes dotés des capacités critiques et empathiques nécessaires pour bien remplir leur rôle de citoyen. Or, où trouvons-nous encore ces capacités de compréhension de la diversité des cultures ? Dans les arts et les humanités, bien entendu, lesquels nous enseignent deux choses essentielles : une pédagogie socratique et une imagination narrative ! Ne doutez jamais de cela. Bonne semaine à vous, lecteurs !