L’’utile préface de Tchicaya U’Tam’si, poète congolais

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Cather-Willa-Mon-Antonia-Livre-896902323_LJ’’ai retrouvé ce matin le livre dans le fouillis de ma bibliothèque. Une histoire jouissive que ce bouquin.Je l’’avais acheté dans les années 80, ‘j’étais au lycée et je préparais le bac. Sur la route de l’’aéroport que j’’empruntais chaque jour à pied dans les deux sens, le matin, le midi, l’’après midi et le soir (ô la vie du fils du pauvre !), se trouvait un bouquiniste en face du supermarché Taco, aujourd’hui fermé. Il vendait de vieux manuels scolaires que les parents d’’élèves fauchés venaient acquérir chez lui à peu de frais. Je m’’arrêtais souvent pour lui causer, ‘j’étais même devenu son ami, car j’étais l’’un des rares à m’intéresser aux livres qu’’il écoulait difficilement, des romans en anglais, allemand et français, que je lisais pour me perfectionner dans ces langues que j’’apprenais à maîtriser cahin-caha au lycée, faute d’’avoir le don infus de la glossolalie. Ce midi, à la sortie du bahut, j’’avais faim, j’étais écoeuré par le prof de maths, un coopérant québécois à l’’accent trempé dans du vinaigre, que l’’Education Nationale nous avait ramené (de Chicoutimi ? de Winnipeg ?) pour nous dissuader à jamais d’’aimer les sciences exactes. Avec lui, aucune chance que ma génération lançât des fusées dans l’’espace, me disais-je souvent pour me rassurer de mon peu d’’appétence pour les fonctions et les ensembles. Je courais donc manger ma pâte de maïs à la case, quand arrivé à la hauteur de son étalage, le bouquiniste me héla. Il avait un livre pour moi. Qu’’il me tendit. Un roman. Combien ? 615 francs, répondit-il d’’abord en me montrant une étiquette sur la couverture qui devait être celle de la librairie d’’où provenait le livre. Mais je te le vends à 500F. Au dos du livre pourtant, l’’éditeur avait aligné un prix initial : CFA 100. Puis une série de prix selon la localisation : Algérie 1,75, Guinée 88, R. Malgache 100, Mali 200, Maroc 2,10, Tunisie 0,200, R. du Zaïre 0,20. J’ai refusé le marché, excédé. Donne les 100, finit-il par lâcher. Il faisait chaud, et tous les deux nous avions faim !

J’’ai acheté donc ce roman à 100F CFA, je crois bien que ce fut la seule fois où j’’ai fait une affaire dans l’’achat d’un bouquin. Au fond, j’’ai compris cent mètres plus loin pourquoi il m’’avait réservé l’’opus. Je lui demandais souvent de me chercher les livres de l’’écrivain congolais Tchicaya U Tam’si, et il se trouvait que le roman en question, Mon amie Antonia, de l’’américaine Willa Cather, était préfacé par le poète et romancier congolais. Pour lui, je crois, c’était du pareil au même, et je n’’allais pas l’’en blâmer. Je m’arrête sur la préface, car elle m’avait intriguée. J’’ignore encore à ce jour qui a eu l’idée de proposer à Tchicaya de l’écrire. Toujours est-il que sans cette préface, j’’aurais lu ce roman autrement, qui parle de la conquête des terres sauvages de l’’Amérique des Indiens par les immigrants de la vieille Europe. La question de Tchicaya m’’incitait à la lecture : « qu’’est-ce qu’’un livre vieux de quarante-sept ans- vieux quant à la date de sa parution (un bon livre n’’est jamais vieux et celui-ci encore moins qu’’un autre) – … qu’’est-ce que ce livre peut apporter à un lecteur africain par exemple ? »

Eh bien, une leçon terrible : que de hommes et des femmes, délaissant toute nostalgie de leurs origines, ont conquis et construit un monde nouveau, celui qui, aujourd’hui (un peu en déclin mais toujours fascinant) étonne par sa créativité, je veux parler des Etats-Unis d’’Amérique. Construire une nation par l’’effort, la sueur et la mort, voilà ce que raconte ce roman pastoral que jamais je n’’aurais peut-être lu si le poète dont j’étais un admirateur fou, ne me l’avait recommandé. Le livre a depuis été réédité sans la préface du poète congolais, sous le titre: Mon Antonia. Si vous trouvez, lisez!

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