Lire est un plaisir: Bernard Kolélas romancier

Bernard_Kolelas-5.jpgBernard Kolelas, ancien Premier Ministre du Congo-Brazzaville, s’est récemment essayé à la littérature. Comme je ne m’interdis aucune lecture, j’ai jeté de côté mes préjugés, et je me suis plongé dans le roman l’espace d’un weekend. Résultat? Bien, je vous dis ce que j’ai pensé de ce roman dans le court commentaire que voici. A vous de lire le roman en question pour vous faire votre propre jugement aussi. (K.A)

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Bernard KOLELAS Le Déchirement, CEDA/NEI, 2006

Bernard_Kolelas-5.jpgComme s’il ne suffisait pas de livrer au lecteur le travail romanesque, et de le laisser apprécier où classer ce « roman », son auteur a ressenti le besoin de tout nous expliquer, dans une courte préface dont aurait pu se passer : « Nous présentons au lecteur un roman où nous passons en revue une suite de mœurs sociales congolaises, à travers le mariage traditionnel. Nous considérons cette étude romancée sur les mœurs négro-africaines, comme une contribution à la connaissance et à la compréhension de l’éthique sociale et morale du monde africain traditionnel. »

Dans la vieille tradition du roman sociologique africain, Le Déchirement de Bernard Kolelas raconte l’histoire d’un jeune homme congolais, fonctionnaire de son état, pris dans l’étau du double respect des coutumes de son peuple, et celui dû au père par le fils. En effet, si la tradition bantoue oblige Massengo (dit Mas) à se marier pour gagner en respectabilité aux yeux des siens, il n’en demeure pas moins que le respect dû à son père voudrait qu’il acceptât la volonté de son père, en se mariant avec Nzimbu, la jeune fille que ce dernier avait choisi pour lui, sans son consentement, évidemment. La trame du roman est d’une simplicité linéaire. Massengo, malgré l’intervention de son oncle, désobéira à son paternel, pour sauver celle qu’il aime, Humba de la déception amoureuse. Certes, il y a des menaces sur ce mariage, mais Mas finit par imposer son idéal et se fiancer avec Humba selon les lois coutumières. Le père, pour laver le déshonneur de Nzimbu, finira par proposer à un de ses neveux d’épouser celle-ci. Mais les années passent, et l’épouse de Mas ne lui donne pas d’héritier, au grand désespoir de sa famille, qui s’éloigne du couple, immanquablement. Mais un jour, ô surprise, alors que plus personne ne s’y attendait, Humba finit par tomber enceinte. Retour de la belle-famille, et promesse de bonheur futur. Le roman se termine sur ces phrases dignes d’un bon roman de la série rose : « Des rayons tardifs du soleil couchant vinrent affectueusement illuminer le visage du bébé endormi. Un visage éclatant de beauté, de pureté et d’innocence. Une brise légère se mit à souffler. Incapables d’exprimer tant de joie, Massengo et son épouse se contentèrent de se regarder et de se sourire, tout simplement. »

Le lecteur, devant une fin aussi banale, a le choix aussi : sourire ou s’emporter ! Sur le plan littéraire, Le déchirement n’est pas un livre à l’écriture originale. Beaucoup de clichés et d’approximations dans la description des sentiments des personnages, beaucoup de bavardages, comme celui qui va de la page 178 à la page 180, explication sur le sens des rêves où un certain Makuya, dont on ne sait qui il est, cite Freud et Jung sans que l’on sache pourquoi ! Peut-être l’intérêt du roman est-il ailleurs ? Possible. Pour le lecteur non au fait des traditions bantoues, le livre est peut-être informatif. D’ailleurs, il porte un sous-titre qui le rapproche plus de l’essai déguisé en récit : Contribution à la connaissance de l’éthique africaine, connotation bantu-kongo. N’eût-il pas été plus simple pour Bernard Kolelas, diplomate et ancien premier ministre du Congo, dont on nous explique dans sa biographie qu’il est un passionné de « recherches psycho-spirituelles », d’écrire un essai pour présenter sa vision des défis qui attendent les traditions bantoues dans le nouveau millénaire ?

Reste en tout cas, entre les mains du lecteur, un livre étrange, que l’on n’a plus l’habitude de voir dans la fiction africaine de langue française !