La première de ces surprises est le cadre de lhistoire. Romancière togolaise, Jeannette Ahonsou installe contre toute attente le décor de son roman loin du pays natal. En effet, tout se passe à Madagascar, la grande île de lOcéan Indien, célèbre pour ses rites funéraires, dont lauteur va sinspirer pour imprimer une ambiance au récit. Celle des intrigues sans fin, des tentatives de meurtre dont on ne sait pas toujours qui est à lauteur. Et cest là lautre surprise du roman, lembrouillement des pistes, copie conforme de la confusion des sentiments. Qui de Sylphide ou de Gilles, tire les ficelles dans lombre ? Dautant plus que Gilles lui-même pourrait avoir envie de se débarrasser de Constance, qui ne lui a jamais donné dhéritier mâle, ce que Sylphide par contre serait sur le point de lui offrir. Larrière-fond sociologique sur limportance de lenfant mâle nest pas forcément une belle trouvaille, mais quimporte, il fournit une fausse piste intéressante. Le lecteur cherche des réponses en suivant le fil tendu entre les péripéties du roman.
Comme toujours dans les histoires à trois, il existe un quatrième larron en embuscade, prêt à intervenir pour offrir aux personnages et à lauteur la voie de sortie. Si la structure du récit navait pas été intelligente et sans prétention, je crois que Jeannette Ahonsou aurait raté lintroduction dans ce récit de ce quatrième personnage.
Il y a dabord la scène du coup de foudre, en loccurrence celui de Ray, jeune médecin, pour Constance, à linsu de celle-ci, la première fois quil laperçut dans une ferme laitière. Il faudra attendre plusieurs chapitres pour que la deuxième rencontre ait lieu, cette fois-ci dans une chambre dhôpital où Constance, victime dun accident de voiture mystérieux, est en train de perdre la tête. Ray va jeter toutes ses forces damoureux transi dans cette bataille médicale contre le traumatisme et le mal-être de la jeune femme, avec lintention manifeste de rafler la mise, dautant plus quil sait des choses sur Gilles qui le mettent en position de force.
Puis il y aura lévénement capital, qui va précipiter lhistoire et, par contrecoup Constance elle-même dans les bras de Ray. Un soir, à une fête où laffrontement entre Sylphide et lépouse de Gilles éclate au grand jour, cette dernière échappe à un empoisonnement, miraculeusement. Une serveuse boit dans le verre qui était destinée à Constance et se porte mal. Le roman approche à cet instant-là du dénouement, puisque Ray se transforme presque en détective pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à la serveuse, et de fil en aiguille met à nu les machinations contre celle qui allait devenir sa nouvelle compagne à la fin du roman.
Il y a la petite prouesse finale, le maintien du flou, comme dans nimporte quel polar classique, autour du protagoniste collatéral, celui qui se révèle être à la fin plus quun « deux ex machina ». Dès le départ, lauteure en avait brièvement parlé, de ce personnage féminin, la maman de Sylphide, mère indigne que sa fille abandonne à son sort misérable pour courir le monde et les hommes à sous. On la retrouve, cette femme, aux côtés de Constance, laquelle la recueillie dans des conditions bizarres, mais jamais naura idée que le danger le plus crucial quelle a à affronter était tout proche delle. Mais à force de traquer le « happy end », Jeannette Ahonsou nous offre un dénouement convenu et bâclé où Cristal (Sylphide) et sa mère meurent de façon rocambolesque, laissant un Gilles hagard et désemparé traîner son mal-vivre ! Nempêche, au total, Le trophée de Cristal est un bon roman populaire, dont la lecture nest jamais ennuyeuse.
Références: Jeannette Ahonsou, Le trophée de cristal, Les éditions de la rose bleue, Togo, 2005.
Un roman à lire