LES MENSONGES DE MATHIEU KEREKOU?

Roger Gbegnonvi, l’un des intellectuels les plus actifs de la scène béninoise, publie régulièrement des chroniques que je reçois par le biais de notre ami commun Jean-Norbert Vignondé. L’actualité des élections présidentielles dans le Bénin de Mathieu Kérékou a fait resurgir ces jours-ci les démons du mensonge et de la mauvaise foi des hommes politiques. A quoi joue le camarade Caméléon?

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carte benin

Roger Gbegnonvi, l’un des intellectuels les plus actifs de la scène béninoise, publie régulièrement des chroniques que je reçois par le biais de notre ami commun Jean-Norbert Vignondé. L’actualité des élections présidentielles dans le Bénin de Mathieu Kérékou a fait resurgir ces jours-ci les démons du mensonge et de la mauvaise foi des hommes politiques. Même de misérables citoyens togolais ayant fui leur pays depuis les élections controversées d’Avril 2005 auraient été payés pour voter illégalement au Bénin, de façon à fournir au pouvoir en place des raisons d’invalider le scrutin. A quoi joue le camarade Caméléon? Je vous propose la réaction de Roger Gbegnonvi, dont je m’autorise désormais à reproduire, de temps à autre, les chroniques publiées dans la presse béninoise.

Un mensonge immense, immense, immense…

(Par Roger Gbégnonvi)

gbegnonviLes cassettes-vidéo sont disponibles – au nombre de deux au moins – et auraient dû être montrées les 5 et 6 mars 2006 en boucle sur la chaîne de télévision nationale sur ordre de la ‘‘Haute Autorit钒, a-t-on dit. D’ailleurs, une chaîne privée n’a-t-elle pas montré un petit bout de la première cassette-vidéo sans insister sur l’origine des images ? Pourquoi les deux cassettes sont-elles encore pratiquement sous le manteau ? Comment l’une d’elles s’est-elle retrouvée hors du Palais de la Présidence de la République dans un coffre fort quelque part à Cotonou ? Mystère ! Double mystère joyeux. Car la ficelle est grosse, le mensonge immense, immense, immense…

Des serviteurs de la pègre béninoise et de l’Etat mafieux sont allés ramasser pêle-mêle des garnements, prétendus togolais et réfugiés pour la plupart. Le visage caché derrière un rectangle, ils témoignent, soi-disant. Que disent-ils ? Que leur fait-on dire ? Qu’ils ont été recrutés en masse par le candidat Untel, que l’on a fait venir fraîchement certains d’entre eux au Bénin par le nord Togo, et qu’on les a payés afin de voter pour ledit candidat, ce qu’ils ont fait effectivement après être allés à la CENA prendre ce qu’il fallait pour l’opération. Le montage est précédé d’un texte parlant de fraude massive ayant entaché gravement les élections du 5 mars 2006. Les enfants sont montrés (ou montés puisqu’il s’agit de montage) dans un paysage vague, impersonnel, introuvable, peut-être par nécessité de camouflage, comme en temps de guerre pour échapper à l’ennemi.

Montage. Car c’est un montage non signé et grossier, pour lequel l’on s’est servi de gamins apeurés, dont on sent bien, à la voix hésitante, qu’ils ne comprennent pas ce qu’on leur fait faire dans une espèce de hâte fébrile et craintive. Montage dont on peut se demander comment il pourrait convaincre le plus fruste des Béninois. Il importe peu. Car sur la base de ce montage aussi grossier qu’invraisemblable, ladite Haute Autorité ordonnera l’arrêt du processus électoral et l’annulation pure et simple du vote du 5 mars 2006. Voilà le seul objectif, objectif diabolique des deux cassettes-vidéo fabriquées bien avant le 5 mars pour être diffusées dès le 5 mars au soir en boucle sur la chaîne de télévision nationale bien avant la fermeture du dernier bureau de vote. Se servir de la fraude pour accréditer la thèse de la fraude massive. Et comme l’on est dans un pays encore réputé pour le trafic des enfants…

Dans leur précipitation pour en finir avec l’espoir du peuple, pour maintenir le peuple sous leur joug, au fond de la fosse et dans la misère noire, les Machiavel du Palais de la Présidence de la République ne se sont pas aperçus de l’espèce de cafouillage et du défaut de chronologie qu’il y avait à faire diffuser ce montage dès le soir du 5 mars. Ils ne se sont pas aperçus non plus qu’il y avait quelque chose d’incongru à faire ‘‘témoigner’’ les gamins le visage caché comme s’ils portaient une maladie honteuse ou comme si leur visage trahirait le mensonge et la grossièreté du montage.

Le Président Kérékou est-il informé de ‘‘ça’’ ? En est-il le commanditaire ou travaillerait-on pour lui contre son gré ? Ou travaillerait-on pour soi afin de n’avoir jamais à rendre compte de quoi que ce soit ? Les avis sont partagés. La plupart de ceux qui le connaissent et le pratiquent depuis des années pensent que le Caméléon est parfaitement au courant et parfaitement consentant. Il y a un petit nombre qui doute de cette thèse. On sera vraiment fixé si, un jour prochain, le Caméléon soi-même rassemble les ambassadeurs accrédités au Bénin ou quelques membres de quelque autre corps constitué pour leur signifier sans circonlocution sa décision de ne pas céder le pouvoir parce que le pays lui appartient.

Dans tous les cas de figure, le peuple béninois n’est pas au bout de ses peines. Quelques larmes, quelques sueurs en perspective. Sa vigilance, sa maturité, son intelligence et sa raison sont plus que jamais requises pour lui permettre de traverser la mauvaise passe, de faire barrage au mal, de résister à la Bête. Il n’y a de liberté que conquise.

Paru dans La Nouvelle Tribune le 7 mars 2006 à Cotonou

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