Connaissez-vous la WebTv « artisttikafrica.tv »? Elle a été créée par le dramaturge et opérateur culturel béninois Ousmane Aledji, et s’est beaucoup fait remarquer durant la campagne qui vient de se terminer pour la présidentielle au Bénin. L’idée de cette télé a été de proposer aux artistes engagés aux côtés des candidats de venir présenter le contenu culturel du programme de leurs poulains. « Moi, président de la République, quel sera mon projet culturel? »
La télé a donné la parole donc à des représentants autoproclamés, du moins désignés tels, si je puis me permettre. Il n’est pas certain, je pense, que les artistes soient toujours habiles dans ce genre d’exercice. Tous n’ont pas une pensée approfondie des méandres de la politique culturelle. L’entreprise culturelle est une chose, penser l’action culturelle relève d’une autre logique, les enjeux réels n’étant pas toujours clairs dans un contexte de raréfaction des subsides, et de mentalité quémandeuse. Il m’arrive de faire observer à certains amis que le grand Nigeria n’a pas de ministre de la culture, et pourtant, l’entrepreneuriat culturel au pays de Wole Soyinka et de P. Square est relativement robuste. Il faut parfois changer les paradigmes, surtout dans nos contextes francophones, où la seule critique que l’on entend est celle de l’inefficacité des ministères de la culture, et pas forcément la mise en évidence de la timidité des acteurs culturels eux-mêmes. Mais ceci n’empêche cela, les artistes sont ont le droit de s’exprimer sur un sujet qui touche directement leur quotidien, avant pendant et après la fête électorale dont les flonflons sont déjà lointains. Et les candidats eux-mêmes? Ont tous été interpellés sur le volet culturel de leurs programmes? A la question, l’écrivain Florent Couao-Zotti m’a répondu oui, mais en précisant qu’ ils n’ont apporté que des « réponses passe partout, des généralités sans précisions ». Sur son facebook, l’écrivain s’est appliqué à lire et commenter publiquement les propositions culturelles de certains candidats importants. Exercice fascinant qui montre les attentes et les limites du débat autour des politiques culturelles. Penser la culture sur le papier n’est pas une chose facile, l’action culturelle ne relevant pas, au fond, d’une série de mesures sectorielles, mais plutôt d’un investissement à long terme. S’il y a un deuxième tour de l’élection, promet l’écrivain, il rendra public par voie de presse une proposition de plan quinquennal avec des objectifs ciblés et des chiffres. Un véritable plan d’investissement qui, il en est persuadé, pourrait radicalement changer le visage du Bénin culturel.
Moralité de tout cela? On n’est jamais mieux défendu que par soi-même! Il est important que les artistes prennent la parole et se prononcent régulièrement sur les questions liées à l’action culturelle. L’initiative des artistes béninois (qui n’est pas une première pourtant) montre la voie: il faut sortir parfois de l’invective facile des politiques et hisser le débat à un niveau plus élevé. Bonne semaine à tous.