Le roman français est-il encore lisible ?

rentree2006_01.gifNouvelle rentrée littéraire. Cette année, j’ai décidé de me replonger dans le roman français, que j’avais un peu délaissé depuis au moins cinq ans, me contentant de lire de temps à autre quelques titres, au hasard de mes nécessités. Mais j’avoue que reprendre la lecture des romans français est pour moi aussi difficle que de reprendre le chemin d’un village abandonné. Il y a cinq ans, j’avais laissé tomber peut-être parce que j’avais des attentes personnelles que je ne trouvais pas satisfaites.

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rentre_1.jpg 1.Nouvelle rentrée littéraire. Cette année, j’ai décidé de me replonger dans le roman français, que j’avais un peu délaissé depuis au moins cinq ans, me contentant de lire de temps à autre quelques titres, au hasard de mes nécessités. Mais j’avoue que reprendre la lecture des romans français est pour moi aussi difficle que de reprendre le chemin d’un village abandonné; impression bizarre que les ronces sur le chemin cachent des pépites, mais ai-je la force de déblayer parmi les 689 romans de la rentrée? Il y a cinq ans, j’avais laissé tomber peut-être parce que j’avais des attentes personnelles que je ne trouvais pas satisfaites. Mais depuis deux ans, depuis que j’ai « découvert » Laurent Gaudé, j’ai commencé par me dire que tout n’est pas si désespéré que cela. Je vous dis la vérité sur ma méthode: étant donné que je ne sais qui lire, n’ayant aucune idée de ce qu’ils sont réellement, j’ai pris au hasard dix titres. Mais peut-être que vous, dans vos lectures, avez des coups de coeur, n’hésitez pas à me conseiller. Voici les cinq qui seront bientôt sur ma table: ELDORADO (Laurent Gaudé, parce qu’il le vaut bien), DEUX PERSONNAGES SUR UN LIT AVEC TEMOINS (Alain Absire, que je connaissais comme nouvelliste), DEMOLIR NISARD (Eric Chevillard), LES BIENVEILLANTES (Jonathan Littel), TUMULTE (François Bon, l’un des rares que j’ai toujours lu!) et enfin LES ABSENTS (Vincent Engel, parce que c’est mon pote et qu’il est belge; un belge est-il français, un roman écrit en français est-il français puisque Miano, Tchak, Alem, Mabanckou, Kanor sont classés dans les auteurs français de la rentrée?) je m’embrouille, j’arrête! Après ça, je passe aux romancières, mais ce n’est pas dans un souci de parité, puisque depuis l’affaire Yasmina Khadra on sait que ça ne tient pas la route: L’OMBRE DES AUTRES (Nathalie Rheims), LIGNES DE FAILLES (Nancy Huston, valeur sûre?), LA MER DE LA TRANQUILLITE (Sylvie Trudel), LES AUTRES (Alice Ferney)… ça fait combien, tout ça?

rentree2006_01.gifJe sais, vous me direz 10 sur 689 (hein!!!) c’est peu, mais franchement il y en aura d’autres sur ma table si vous me conseillez ou me refilez vos services de presse (avis aux privilégiés!)

2. Pour terminer, voici un petit livre bien instructif, dont je recommande la lecture à l’attention de ceux qui douteraient encore de la réalité de l’existence d’un roman français au 21e siècle. Il est vrai que les défauts de ce dernier sont innombrables, au regard de ce qui se produit ailleurs dans le monde : nombrilisme, parisianisme, misérabilisme si ce n’est simplement un cynisme érigé en recette de fabrication saisonnière. Le récent pamphlet de Pierre Jourde, La littérature sans estomac (L’Esprit des Péninsules, 2002) en avait brillamment épinglé les travers, et soulevé la question qui taraude l’esprit de tout observateur extérieur : le roman français serait-il donc condamné à ressasser sa nostalgie d’un âge d’or, la « fécondité des époques révolues » ?

couv_romanfrancaisaujourdhui.jpgPour avancer dans le débat, les éditions Prétexte ont réuni quelques-uns des meilleurs spécialistes du genre romanesque contemporain : Dominique Viart, Dominique Rabaté, Christiane Jérusalem et Lionel Ruffel. L’objectif assigné à l’équipe ? Penser les transformations les plus manifestes, les mythologies en cours dans un genre dont les frontières ont de quoi désorienter le lecteur. Il se dégage ainsi des analyses centrées autour des concepts de temps (esthétique et historique), de récit (gratuit, virtuel, lyrique ou spectral) la nécessité d’une attention plus accrue à ce qui se jouerait peut-être à long terme dans le roman français. Comme l’écrit justement Dominique Rabaté, par ailleurs auteur d’un excellent « Que Sais-je » sur Le Roman français depuis 1900, « au lieu de se désoler de n’avoir plus de grands raconteurs d’histoire(s), on chercherait les causes multiples de cette supposée carence dans la positivité d’une autre histoire qui reste à décrire… » L’initiative des éditions Prétexte ouvrirait-elle la voie à une relecture plus patiente et moins intempestive d’une littérature dont les tics et le formatage semblent, c’est vrai, répondre trop aux normes du prime-time et de la société-spectacle ? Il faut l’espérer.

Jean-Christophe Millois et Bruno Blanckeman dir., Le roman français aujourd’hui. Transformations, perceptions, mythologies, éditions Prétexte, 123 p., 11 euros.

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