
Au Dahomey, aucun ordre denseignement nétait capable de décliner la notion dannée blanche, annulée ou nulle de toute façon parce que réduite à peu de mois – trois ! -. Au Bénin, par contre, labsurdité dhier, labsurde année blanche, annulée ou nulle de toute façon est devenue la chose du monde la mieux partagée, et les années-moignons de trois mois de semblant de travail sont entrées dans les murs scolaires, au lieu quau Dahomey, les années académiques, dans tous les ordres denseignement, comptait neuf (9) mois de travail pour trois mois de grandes vacances : cétait une vérité de métronome et dévangile.
Au Dahomey, dans les lycées et collèges, lélève faisait un devoir surveillé par jour, du lundi au vendredi et, le samedi, un devoir extraordinaire appelé par les uns composition et devoir surveillé par les autres, les devoirs ordinaires ne portant aucune mention spéciale, parce quils étaient perçus comme le minimum pour accompagner lapprenant . Au Bénin, par contre, les élèves nont pas plus de trois devoirs surveillés par an par matière dite principale.
On ajoutera à cela quau Dahomey, lécolier vivait sous la terreur de lorthographe juste et des cinq fautes éliminatoires au CEPE, alors quau Bénin lécolier a été prié décrire les mots au son, autant dire à sa guise. On ajoutera à cela que lélève dahoméen candidat au baccalauréat avait, parfois, consommé les Rougon-Macquart dEmile Zola et salivé à la vue de La Peste de Camus, alors que son répondant béninois na jamais lu que Sans tam-tam dHenry Lopez ou que Les bouts de bois de Dieu de Sembène Ousmane et, parfois comme une prouesse, les deux. Sans oublier ce quest devenu au Bénin le campus universitaire : pour les étudiantes un lupanar, pour les étudiants un marché du soir ; entre prétendues étudiantes et prétendus étudiants se prélassent des prétendus professeurs qui, contre des prétendus diplômes, effeuillent dune main les charmes et, de lautre, empochent les sous.La vérité, lâpre vérité. Cest elle dabord, elle surtout, qui rend libre.
Le système scolaire béninois, aujourdhui, est une ruine digne de figurer dans le décor lunaire des ruines de Pompéi données à découvrir à nombre délèves dahoméens au travers de leurs épiques versions latines. Car le grec et le latin étaient aussi des chemins que lon empruntait hier pour faire entrevoir à lélève dahoméen lailleurs de lexistence et pour ne pas le river au plancher du fumier et des vaches de tout brevet technique inférieur dit supérieur.
Pour relever le système scolaire béninois de la ruine, point nest besoin de toutes les Ecole nouvelle ni de tous les Nouveaux Programmes dEtudes que lon nous balance de lextérieur sur la tête avec une générosité suspecte, comme sil existait quelque part, en dehors du Bénin, un complot dassassinat de lintelligentsia africaine, à commencer par son fleuron dahoméen connu pour ses prouesses. Un complot dassassinat intellectuel de nos enfants et de nos petits-enfants sur fond de dollars nauséabonds que certains engrangent cyniquement .
Pour relever le système scolaire béninois de la ruine, point nest besoin daudace ni dimagination, il suffit, dans un premier temps, de retourner aux neiges dantan, il suffit de restaurer une année académique de neuf mois, de rétablir le contrôle quotidien pour les élèves du secondaire. Ces deux premiers pas qui consistent à renouer avec ce que le Dahomey avait de meilleur, cest-à-dire de logique et de rigoureux, entraîneront les autres pour lesquels il faudra peut-être un peu daudace et dimagination. Et alors le changement en profondeur, le seul vrai changement, aura trouvé, sur la longue durée, son adjuvant imparable, lécole.
Nouvelle tribune n° 1051 du 9 juin 2006