La Chronique de Roger Gbegnonvi (Bénin):Corps et contenu au changement par la restauration du système scolaire

gbegnonv_0.jpgTout le monde en conviendra : il n’y a pas de changement possible, il n’y a pas de changement en profondeur si notre système scolaire et universitaire reste en l’état. Quel est cet état et pourquoi est-il perçu d’emblée aujourd’hui comme désastreux par de très nombreux Béninois ? Pour répondre à la double question aussi efficacement que clairement, l’on suivra la ligne de démarcation – ligne de fracture ? – entre le Dahomey et le Bénin, et l’on ira constamment de l’un à l’autre pays, territorialement identique mais scolairement opposé.

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gbegnonv_0.jpgTout le monde en conviendra : il n’y a pas de changement possible, il n’y a pas de changement en profondeur si notre système scolaire et universitaire reste en l’état. Quel est cet état et pourquoi est-il perçu d’emblée aujourd’hui comme désastreux par de très nombreux Béninois ? Pour répondre à la double question aussi efficacement que clairement, l’on suivra la ligne de démarcation – ligne de fracture ? – entre le Dahomey et le Bénin, et l’on ira constamment de l’un à l’autre pays, territorialement identique mais scolairement opposé.

Au Dahomey, aucun ordre d’enseignement n’était capable de décliner la notion d’année blanche, annulée ou nulle de toute façon parce que réduite à peu de mois – trois ! -. Au Bénin, par contre, l’absurdité d’hier, l’absurde année blanche, annulée ou nulle de toute façon est devenue la chose du monde la mieux partagée, et les années-moignons de trois mois de semblant de travail sont entrées dans les mœurs scolaires, au lieu qu’au Dahomey, les années académiques, dans tous les ordres d’enseignement, comptait neuf (9) mois de travail pour trois mois de grandes vacances : c’était une vérité de métronome et d’évangile.

Au Dahomey, dans les lycées et collèges, l’élève faisait un devoir surveillé par jour, du lundi au vendredi et, le samedi, un devoir extraordinaire appelé par les uns composition et devoir surveillé par les autres, les devoirs ordinaires ne portant aucune mention spéciale, parce qu’ils étaient perçus comme le minimum pour accompagner l’apprenant . Au Bénin, par contre, les élèves n’ont pas plus de trois devoirs surveillés par an par matière dite principale.

On ajoutera à cela qu’au Dahomey, l’écolier vivait sous la terreur de l’orthographe juste et des ‘‘cinq fautes éliminatoires au CEPE’’, alors qu’au Bénin l’écolier a été prié d’écrire les mots au son, autant dire à sa guise. On ajoutera à cela que l’élève dahoméen candidat au baccalauréat avait, parfois, consommé les Rougon-Macquart d’Emile Zola et salivé à la vue de La Peste de Camus, alors que son répondant béninois n’a jamais lu que ‘‘Sans tam-tam’’ d’Henry Lopez ou que ‘‘Les bouts de bois de Dieu’’ de Sembène Ousmane et, parfois comme une prouesse, les deux. Sans oublier ce qu’est devenu au Bénin le campus universitaire : pour les étudiantes un lupanar, pour les étudiants un marché du soir ; entre prétendues étudiantes et prétendus étudiants se prélassent des prétendus professeurs qui, contre des prétendus diplômes, effeuillent d’une main les charmes et, de l’autre, empochent les sous.‘‘La vérité, l’âpre vérit钒. C’est elle d’abord, elle surtout, qui rend libre.

Le système scolaire béninois, aujourd’hui, est une ruine digne de figurer dans le décor lunaire des ‘‘ruines de Pompéi’’ données à découvrir à nombre d’élèves dahoméens au travers de leurs épiques versions latines. Car le grec et le latin étaient aussi des chemins que l’on empruntait hier pour faire entrevoir à l’élève dahoméen l’ailleurs de l’existence et pour ne pas le river au plancher du fumier et des vaches de tout brevet technique inférieur dit supérieur.

Pour relever le système scolaire béninois de la ruine, point n’est besoin de toutes les ‘‘Ecole nouvelle’’ ni de tous les ‘‘Nouveaux Programmes d’Etudes’’ que l’on nous balance de l’extérieur sur la tête avec une générosité suspecte, comme s’il existait quelque part, en dehors du Bénin, un complot d’assassinat de l’intelligentsia africaine, à commencer par son fleuron dahoméen connu pour ses prouesses. Un complot d’assassinat intellectuel de nos enfants et de nos petits-enfants sur fond de dollars nauséabonds que certains engrangent cyniquement .

Pour relever le système scolaire béninois de la ruine, point n’est besoin d’audace ni d’imagination, il suffit, dans un premier temps, de retourner aux neiges d’antan, il suffit de restaurer une année académique de neuf mois, de rétablir le contrôle quotidien pour les élèves du secondaire. Ces deux premiers pas qui consistent à renouer avec ce que le Dahomey avait de meilleur, c’est-à-dire de logique et de rigoureux, entraîneront les autres pour lesquels il faudra peut-être un peu d’audace et d’imagination. Et alors le changement en profondeur, le seul vrai changement, aura trouvé, sur la longue durée, son adjuvant imparable, l’école.

Nouvelle tribune n° 1051 du 9 juin 2006

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