L’adieu à Marie Madoé Sivomey

Sivomeyune.jpgL’ancienne et légendaire Maire de la Ville de Lomé était le symbole d’une génération. Inspectrice des impôts, administrateur civil – au bon sens du terme. Quelle étiquette apposer au nom Marie Madoé Sivomey ? Elle n’est plus pour autant à présenter !

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     Sivomeyune.jpgL’adieu à Marie Madoé Sivomey 

 

L’ancienne et légendaire Maire de la Ville de Lomé était le symbole d’une génération

 

Inspectrice des impôts, administrateur civil – au bon sens du terme. Quelle étiquette apposer au nom Marie Madoé Sivomey ? Elle  n’est plus pour autant à présenter ! L’ancienne Maire de la Ville de Lomé, décédée  le 15 septembre 2008 dans sa 85e année, repose désormais au cimetière catholique de la Plage.. Retour sur le parcours exceptionnel de la «  petite  dame », qui a marqué son temps ; pour avoir été la première femme à diriger avec doigté une capitale africaine.

 

Texte écrit  par  Ekoué Satchivi

 

Toute jeune fille, elle était enthousiaste et déterminée dans ses études. Marie Madoé Gbikpi  Benissan était l’une des premières bachelières du Togo. A la voir dans les années trente, rares filles du «  Petit-Dakar », passer en uniforme avec le casque en compagnie de sa camarade Hélène Lawson, ou  monter les marches de ce haut lieu du Savoir, cela impressionnait  et était aussi un véritable stimulant pour les autres filles… Trente années plus tard, la cadette à feu Mgr Jean Kuassi Gbikpi, sera élue  Maire de la Ville de Lomé, sous  le nom de Madame Sivomey.

Issue d’une famille chrétienne, Marie Madoé Gbikpi Benissan a vu le jour le 3 juillet 1923 à Aného. Elle y entame ses études primaires avant d’aller les poursuivre à l’Ecole primaire supérieure Victor Ballot de Porto –Novo ( ex-Dahomey, aujourd’hui Bénin). Revenue au Togo, elle fréquente le Cours  Complémentaire de Lomé ( Petit- Dakar ) en comparaison à l’Ecole William Ponty de Dakar au temps de l’Afrique occidentale française ( AOF), d’où elle sort major de la promotion 1936 – 1939 devant ses condisciples feus Albert Kossivi Djabaku  (premier pharmacien privé du Togo et  premier togolais président de la Chambre du commerce ),Carlos de Meideros, médecin et ancien directeur de la Santé publique, Joël  Hokaméto Edorh, médecin épidémiologiste,  César Amorin, notaire….

Après sa réussite au baccalauréat, Marie Madoé Gbikpi Benissan ne suivra  pas à cause de sa santé les cours à l’école normale de Rufisque au Sénégal  ouverte alors pour les jeunes filles. Elle  dut se battre vaillamment pour passer et réussir le concours des commis d’administration jusque-là chassée des jeunes gens. Puis elle deviendra inspectrice des impôts. Recrutée par l’administration coloniale française,  elle fit ses preuves avec brio pendant cinq ans de 1940 à 1945 au Service des Pensions ; puis dans le cadre de l’AOF, elle laisse de très bonnes références de fonctionnaire chevronnée notamment à la Direction des Finances puis au Service des contributions directes de Bobo- Dioulasso ( ex-Haute Volta). Rentrée de manière définitive au Togo, elle sert pendant deux ans de 1960 à 1962 en qualité de Contrôleur puis d’Inspectrice à la direction des Contributions directes.

Parallèlement à ses fonctions de Secrétaire d’administration en chef et directrice des Affaires sociales accomplies de 1963 à 1964, Marie Madoé Gbikpi Benissan a par ailleurs mené des actions d’envergure dans l’associatif avec d’intrépides femmes de sa génération en l’occurrence Marguerite Adjoavi Thompson-Trénou (Secrétaire générale de la Chambre du commerce et avocate ) .Elle compte parmi les membres fondatrices de l’Union des Femmes du Togo ( UFEMTO).

Sur le plan extérieur, la cadette à  feu Mgr Gbikpi, Archevêque émérite de Lomé, a été membre de la Délégation togolaise aux 16e et 17e sessions de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York et Rapporteur de la 3e Commission à la 17e session ( Commission des questions sociales, humaines et culturelles)

 

                                 Première femme Maire en Afrique            

 

Juillet 1967, le Comité de réconciliation nationale  (CRN ), instauré par les militaires six mois après leur putsch, décida de dissoudre toutes les instances élues. L’administration des communes doivent désormais être du ressort des «  délégations spéciales ». Ils sont cinq candidats dont une femme à être proposés pour diriger la Villé de Lomé. Après le vote ; Marie Madoé Gbikpi, épouse Sivomey: sera élue à la surprise générale. Une grande première allait se dérouler dans l’histoire municipale en Afrique :

 

Au départ, ils  sont  nombreux les détracteurs de Dame Sivomey ! Une fois à la tâche, elle  s’était révélée  bien outillée  pour la fonction. Depuis lors le parcours de la première femme Maire en Afrique  impressionne et est cité en exemple : «  Tu dois réussir comme Madame Sivomey » disent les parents  soucieux d’un avenir radieux  pour leurs jeunes filles.

 

Pour réussir dans ses actions, l’ancienne Maire de Lomé avait trouvé l’énergie nécessaire en allant vers ses congères, notamment les femmes revendeuses. Rien n’avait été négligé, et aucune décision de taille n’est prise sans l’avis des Nana Benz du Grand –marché, centre névralgique de l’économie togolaise. C’était à une époque où les édifices sortaient de terre à Lomé à la manière des champignons. Le Grand –marché d’Awlato ( Assigamé) n’avait-il pas été inauguré sous l’ère Sivomey. Et pour organiser  les activités de ce centre commercial, il fallait de la patience et du savoir-faire. Ce fut un pari réussi par Maire la Présidente de la Délégation spéciale  de la Commune de Lomé. Autrement dit, Madame Sivomey a tiré  profit du soutien à elle apporté par son époux, feu Kuassi Sivomey, décédé en 2001 et qui travaillait à l’époque à la Société togolaise allemande ( DTG), laquelle société était agent exclusif pour les marques Benz et Yamaha au Togo.

 

                            

                 Bye Bye les processions funèbres à pied et la fin des Kékévito

 

Pour la fluidité de la circulation un peu partout dans la ville, ce fut lors du passage de Madame La Maire qu’un arrêté municipal avait été pris pour  mettre un terme aux processions funèbres qui se déroulaient à pied de la maison mortuaire à l’église puis au cimetière. Des mesures similaires furent aussi prises en matière de veillées funèbres, du bruit dans les débits de boissons, la réglementation des horaires sur les lieux d’exploitation de moulins ainsi que l’interdiction des charrettes ( les fameux et infatigables Kékévito ) d’Agbadahonou, Hanoukopé,  Assivito qui donnaient du fil à retordre aux automobilistes. La suppression de ces pousse-pousse va occasionner l’apparition des taxis bagages. La Régie municipale des transports urbains ( RMTU) qui avait installé ses quartiers entre le Garage Renault (Star) et le terrain du cimetière à Lomé était aussi son initiative. Ce service de transports urbain dirigé par Ames Kokou, avec ses Bus Mercedes Benz  rouge, assurait à la satisfaction de tous le déplacement dans la ville.

 

Cette société de transports urbains va cesser de fonctionner à la fin des années soixante-dix. Depuis lors, les populations de  la capitale en souffrent. C’est le silence coupable chez les  pouvoirs publics quand on sait que cela fait aujourd’hui l’affaire des hauts placés avec leur kyrielle de taxis mis en circulation. Juste des exemples qui méritent d’être cités pour mettre en exergue le dynamisme qui prévalait jadis dans l’organisation de la Ville de Lomé. Pour les sept années passées ( du 24 juillet 1967 au 17 mai 1974 ) à la tête de  la capitale togolaise, Madame Le Maire a réussi également le pari de faire jumeler Lomé avec des cités européennes notamment Duisburg en Allemagne, Calais en France…

 

La salubrité de Lomé, l’alphabétisation de la femme faisait également  partie des multiples préoccupations de  Marie Madoé Sivomey,  fort connue pour sa discrétion et sa rigueur dans le travail. N’en pouvant plus face aux nombreuses interférences des pouvoirs publics dans ses compétences, elle démissionna contre toute attente et  remplacée par Emile Kokou Fourn, alors Agent Voyer à la Voirie de Lomé.

 

 

Mère de deux garçons tragiquement décédés l’un par noyade et le second renversé par une voiture.  Marie Madoé Sivomey  sera admise à la retraite en 1979. Cette chrétienne  va consacrer son temps à des activités religieuses. à la Paroisse Saint –Augustin d’Amoutiévé à Lomé. ( groupes de prières, associations de bienfaisance ).  Elle sera cooptée membre dans la Commission nationale de réflexion pour la réhabilitation de l’histoire togolaise.

 

L’homme naît, grandit et meurt, telle est la loi de la nature ! L’ancienne Maire de la Ville de Lomé a rendu l’âme le 15 septembre 2008 suite à des maux liés à son âge avancé. Elle avait 85 ans. Ses obsèques se sont déroulés par une veillée le 30 septembre en l’Eglise Saint – Augustin, suivie de l’exposition de la dépouille mortelle  en son domicile, sis sur la Rue de la Fraternité au quartier Lom-Nava. L’illustre disparue est par la suite conduite à sa dernière demeure au Cimetière de la Plage.

 

Marie Madoé Sivomey n’aura pas de son vivant,  vu une femme reprendre la direction de la Ville de Lomé. Mais la première femme  Maire d’une cité africaine pourra dormir tranquille ! Ayons à l’esprit que notre pays fourmille de nos jours de femmes instruites, promptes à suivre ses pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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