Jean Pliya ad multos annos (Par Roger Gbégnonvi)

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images​Hormis quelques très anciens qui ont fait sagement leurs valises et attendent eux aussi l’Appel, très peu de Béninois savent que, frais émoulu de l’Université, le jeune Jean Pliya toucha de la politique, comme membre fondateur d’un front national de libération, directeur de cabinet et ministre. Et alors qu’il avait tout pour y faire carrière longue et belle, il se retira sur la pointe des pieds. Qu’avait-il donc aperçu de si effrayant dans les coulisses ou derrière les rideaux de la politique ? La suite prouvera que Jean Pliya ne remplissait pas les conditions requises pour travailler dans l’environnement des oiseaux carnassiers.
​Pour le chroniqueur et ses petits camarades de l’époque, la suite, c’est Jean Pliya, orateur séduisant et séducteur. Nous ne comprenions pas tout ce qu’il nous disait lors des conférences qu’il était souvent invité á nous donner, mais son verbe était captivant, et nous étions captivés. Sa parole, toujours accompagnée de gestes tout aussi parlants que sa parole, illuminait nos visages. Nous étions sous le charme. On n’a pas besoin de connaître la musique pour l’aimer, il suffit qu’elle soit belle. Nous aimions la belle musique de Jean Pliya.
téléchargement​Il nous parlait de ses convictions pour bâtir l’homme, il nous parlait de la vertu et des valeurs nourries à la source lumineuse du christianisme évangélique, ce christianisme qu’il avait tellement chevillé au corps et au cœur qu’on eût dit qu’il le portait dans ses gênes. Un jour, brûlé par l’être-chrétien de ce chrétien sans peur et sans reproche, quelqu’un lui lança : ‘‘Vous êtes pire qu’un prêtre’’. Etrangeté de la litote pour suggérer que Jean Pliya n’était pas un simple laïc animé par la grâce de l’Action catholique, mais un évêque dans l’âme car, nous tenions pour évident que, prêtre, il eût été oint en sus de l’onction de la plénitude du sacerdoce pour être le pasteur admirable de quelque diocèse, Abomey ou Djougou.
​Avons-nous été distraits ? En tout cas il nous a échappé par quelle alchimie notre évêque dans l’âme, professeur d’histoire-géo dans le civil et dans les universités, se retrouva expert en phytothérapie. Il expliqua lui-même le quasi paradoxe par le fait que de bons médecins lui avaient prédit, après l’avoir ‘‘analysé’’, qu’il quitterait notre terre avant d’avoir 40 ans. Pour déjouer leur verdict, il s’en remit à la leçon d’Hippocrate leur maître : ‘‘Que ton aliment soit ton médicament, et que ton médicament soit ton aliment’’. La recette lui ayant réussi, comme le prouvent son port athlétique, son sourire permanent et sa voix de stentor, il proposait aux malades, qui se pressaient nombreux à son domicile, la médecine naturelle. Trois semaines avant son emportement, un peu comme le prophète Elie sur son char de feu, il conseillait à un collègue et congénère rencontré à la sortie de la messe et qui lui parlait de ses problèmes d’arthrose : ‘‘Il faut que tu lises ma plaquette sur le rhumatisme’’.
​Nous ne fûmes pas surpris d’apprendre que l’Esprit l’avait saisi un jour pour l’établir fondateur du Renouveau charismatique au Bénin. Pas évêque, mais héraut de l’Amour de Dieu, Berger et Frère prêcheur sur les routes du monde. C’est d’ailleurs dans l’élan de cette Mission que l’Esprit lui fit signe, entre deux exhortations, de monter dans l’élan du Christ, à 84 ans, le jour de l’Ascension. Aura-t-il négocié avec Dieu cette trop belle coïncidence ?
​Demeure à son sujet une autre question : où trouvait-il encore le temps d’écrire des livres à proposer aux facultés de théologie, de médecine, d’histoire-géo, voire de littérature, car il était aussi nouvelliste, romancier et dramaturge ? Un rien réducteurs, nos élèves et étudiants aiment à le confiner à ‘‘La secrétaire particulière’’. C’est une vaste blague de leur incuriosité. Puissent-ils se dépêcher d’aller découvrir le Pianiste Enchanteur, avec trente-six harmoniques au bout des doigts. Jean Pliya, bonjour l’artiste ! Et tu n’es pas prêt de tirer ta révérence dans le cœur de ceux qui t’ont connu et aimé. Jean Pliya ad multos annos.

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