Il y a 25 ans, la Conférence Nationale…

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Que-reste-t-il-de-la-conference-nationale_ng_image_fullL’anniversaire est public, permettez donc que cette semaine je profite de ma tribune, théoriquement culturelle, pour donner mon point de vue sur la Conférence nationale togolaise… Juste le point de vue du citoyen qui était présent à ces assises comme simple observateur accrédité.

L’histoire de la construction des Etats africains est une histoire récente. Dans le cas du Togo, on s’étonne parfois de la lenteur des évolutions politiques, mais en réalité on semble oublier que parfois, dans ce même pays, l’histoire s’est brusquement accélérée. Nos impatiences, sans doute, de jeune nation qui se cherche encore, un demi-siècle et des poussières seulement après notre accession à la souveraineté internationale. Le temps du politique n

’est pas le temps de l’Histoire, qui elle s’écrit en dehors des passions. Dans la sérénité. Car, édifier l’opinion suppose du recul, et de l’honnêteté intellectuelle. Il y a 25 ans, s’ouvrait la Conférence Nationale togolaise, qui s’est tenue du 1er juillet au 28 août 1991, sous la direction d’un archevêque totalement inexpérimenté face aux imbroglios de la scène politique togolaise, dans un climat de tension permanente. Pour mémoire, le principe de la tenue d’une conférence nationale est arrêté lors des accords du 12 juin 1991 entre le pouvoir et le Collectif de l’Opposition Démocratique, lequel exigeait la démission du Chef de l’Etat de l’époque, le Général Eyadema. Dans l’esprit général, l’événement était alors perçu comme l’instrument de réussite d’une transition démocratique. A mes yeux, et l’avis est totalement personnel, la Conférence Nationale avait une nature bâtarde, mixte pour être polie : à la fois un rituel de transgression qui permettrait d’évacuer symboliquement les conflits, elle offrait un espace public de la parole, ce qui a conduit certains observateurs a la comparer, à tort, a la célèbre palabre africaine. Mais elle se voulait également une structure institutionnelle génératrice de nouveaux pouvoirs qui entendait initier les populations aux valeurs démocratiques (vaste débat!). C’est d’ailleurs pour mener à bien cette seconde mission que la Conférence Nationale togolaise va opérer un véritable coup d’Etat civil en se déclarant souveraine. Sur cette souveraineté, il reste encore et encore beaucoup de choses à dire et à apprendre, tant elle fut le moment capital de tous les grincements de dents et des crispations à venir ! En même temps, c’est vrai, la proclamation bruyante de souveraineté était une condition obligatoire pour pouvoir aller jusqu’au bout, juridiquement parlant, pas facile n’est-ce pas? Aujourd’hui, un jeune togolais de 25 ans ne se souvient même plus de la Conférence Nationale, normal il n’était presque pas né à l’époque. Le mot même tend à disparaître, et aucun travail sérieux n’a été fait sur le sujet, du moins dans le cadre togolais. Les archives, n’en parlons pas. Les acteurs ? Rangés. Normal, ils l’étaient déjà dans les coulisses. Quand dans 300 ans on parlera de l’événement, qu’on en aura écrit l’histoire en rappelant les erreurs, les mensonges, les manipulations des uns et des autres, on rira de nos naïvetés, et des évidences qui ne sautaient qu’aux yeux des observateurs distants de cette grande palabre désorganisée, tout à fait aux antipodes de ce que le Général Kérékou avait voulu pour le Bénin, pays inventeur du concept. Rendons à Mathieu ce qui est à Mathieu. La Conférence Nationale, mécanisme innovant fut pour la première fois organisée au Benin. Son origine témoigne de son caractère paradoxal. C’est en effet le Président Mathieu Kerekou, responsable du régime marxiste-leniniste en place au Benin depuis 1972, qui inventa le terme et la formule institutionnelle. Pour ce faire, il s’était inspiré de l’idée qu’il avait déjà eue en 1979 en organisant à l’improviste une Conférence des Cadres, de dix jours, durant laquelle chacun avait pu librement débattre. La Conférence nationale n’était en revanche pas souveraine dans le projet originel. Elle est un succès et devient l’une des principales revendications dans les Etats d’Afrique subsaharienne francophone. L’expérience béninoise sera reprise au Gabon, au Congo, au Niger, au Mali, au Togo, au Zaire (RDC) et au Tchad. Mais l’échec douloureux, traumatisant de toutes les reprises, en dehors de l’original me fait penser que les copistes n’avaient pas compris une vérité : la Conférence Nationale, au final, était un mécanisme spécifiquement béninois et non pas une panacée panafricaine ! Certaines indiscrétions font penser que Kerekou avait un plan de sortie pour son régime à bout de souffle, est-ce vrai ? Les historiens nous le diront un jour. J’ai encore en tête cette image des délégués à la Conférence nationale togolaise s’invectivant sans retenue dans les débats publics, et complotant mêmement dans les coulisses. Une comédie pathétique qui faisait dire au journaliste et écrivain John Bosco Adotevi, s’adressant à moi dans les couloirs de l’Hotel 2 février: « jeune homme, tout ceci ne mènera nulle part, on peut donc renter chez nous ! »

25 ans déjà ! Cela dit, à l’échelle de l’Histoire, tout cela ne signifie rien pour un pays à construire. Quand on aura enfin latitude pour réfléchir sereinement ! Souvenir mitigé quand même, car autant la Conférence nationale nous a fait rire, elle nous aura autant fait pleurer. Nos pays sont ainsi, nos palabres sont souvent stériles. Mais au final, même la mémoire douloureuse a besoin de se poser, d’être questionnée. Mais 25 ans, est-ce suffisant pour un véritable bilan ? Rendez-vous dans le Temps !

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