Jai rencontré samedi un des visiteurs de mon blog, Mayombe. Ce dernier ma fait remarquer quil était surpris que je parle des livres que je nai pas aimés. La question est de taille, doit-on seulement parler des livres quon a aimés ? Je vous retourne la question
Mais en attendant, je vais encore vous faire partager mes sentiments à propos dune dernière lecture qui ma laissé sur ma faim, je dis bien « laissé sur ma faim » !
Mame Coumba NDIAYE, Mariama Bâ ou les allées dun destin, NEAS, 2007, 258 pages.
Je ne sais sil existe déjà une biographie de la romancière sénégalaise Mariama Bâ, lauréate du Prix Noma en 1980, auquel cas il faudrait sy référer pour juger de la qualité de celle que nous propose Mame Coumba Ndiaye, qui se trouve être, au demeurant, la fille de la défunte Mariama Bâ. Simple hommage dune fille à sa mère (hagiographie, biographie romancée ?) ou travail sérieux dinvestigation sur la vie dune des romancières les plus connues du continent ? Pour lauteure elle-même, ce livre nest plus ni moins quun « essai sur la vie de Mariama Bâ »
Que dire de ce livre ? Son auteur y décrit laffirmation intellectuelle, littéraire et le sens de lengagement de Mariama Bâ pour les thèses féministes. Lessayiste rapporte les souvenirs quelle tient de sa mère concernant sa formation. Diplôme dinstitutrice en main, Mariama Bâ devenait boursière pour poursuivre ses études au lycée Van Vollenhoven (actuel Lamine Guèye). En 1947-48, le décès de sa grand-mère maternelle et tutrice a une influence négative dans son élan. Cependant, son engagement commun pour lémancipation des femmes, et le progrès social, vont lui servir de raisons pour continuer. Tout Mariama peut ainsi être résumée : une volonté farouche, un refus dêtre lobjet utilisé, entretenu et rejeté, afin de saccomplir soi-même, économiquement, et atteindre un épanouissement personnel. En elle, postule Mame Coumba Ndiaye, la majorité des femmes daujourdhui se reconnaissent non essentiellement pour des raisons que lon avance, liées aux libertés nécessaires arrachées par les femmes au cours du siècle (le 20ème), mais pour dautres infiniment plus simples, plus éclairées : le retour aux sources profondes des vertus universelles.
Sur les remous suscités par le féminisme militant des premières « Normaliennes de lAfrique occidentales française », lessai reprend cette explication de la romancière elle-même : Comme toute nouveauté, notre promotion suscitait beaucoup de critiques malveillantes. Elles avaient ses détracteurs, ce qui était surprenant, surtout dans les rangs des intellectuels. Tout ce qui touchait à lémancipation féminine, était perçu avec hostilité. De partout, nous étions celle quon montrait du doigt, accusées de perdre notre identité. On nous en voulait. Mais curieusement, tous voulaient nous posséder.
Ce « contexte fortement réactionnaire, fait de tensions multiples, entre lancien et le moderne » a forgé, quelque part, la personnalité de Mariama Bâ, au point quelle devait, dans son style, incarner le combat des femmes. A la base de cette exemplarité, il y aurait sa foi en son destin et sa fidélité inébranlables à ses convictions. Si Mariama Bâ est connue en tant quinstitutrice chevronnée, militante convaincue des associations féminines, si elle a explosé comme auteur de grand talent, cest avant tout en tant que mère quelle simpose à nous, relativise sa fille qui replonge le lecteur dans lunivers dune maman-poule, respectée par ses conjoints respectifs, mais aussi gaie avec ses parents et amies.
On lira avec intérêt les passages où lauteur traite de la force de caractère de sa mère. Elle retrace son parcours de combattante face aux défis de vie ou coups du sort. Parmi ceux-ci figurent les trois divorces quelle a vécus et la lutte contre la maladie qui la emportée alors quelle tenait, laborieusement, à terminer son dernier manuscrit.
Que penser, vraiment de ce livre ? Dune certaine manière, les sollicitations exercées sur la famille de la romancière par des étudiants étrangers et autres chercheurs, ont poussé Mame Coumba à écrire ce livre Aucune étude de ce genre na été jusquici entreprise à son sujet, argumente-t-elle. Mame Coumba Ndiaye a surtout voulu illustrer dans des pages vivantes lune des figures les plus fascinantes de lhistoire du féminisme africain, dont la contribution bien spécifique dans son genre doit servir à lédification des générations montantes afin quelles sen inspirent et évaluent le crédit quelles peuvent en tirer. Ce nest là que le moteur de livre. Un angle intéressant, certes mais un peu limité, il nous semble. Reste que lessai est digne dintérêt et est appelé à être dépassé, justement, par des biographies non officielles. Sans compter que les livres de lauteur ne sont pas étudiés du tout dans leur genèse. On sait, en refermant cet essai, beaucoup de choses sur la dame Bâ, mais peu de choses sur son univers de créatrice. Est-ce un choix ou une limite ? Le débat reste ouvert.