Behanzin:le passé colonial « positif » de la France

00-zotti-1.jpgLa commémoration du centenaire de la mort du roi Béhanzin, soutenue par les institutions culturelles les plus en vue, a drainé à Abomey – capitale de l’ancien royaume du Danxomen – tout ce que le monde compte de spécialistes en études et civilisations africaines.

Imprimer

00-zotti-1.jpgBehanzin:le passé colonial « positif » de la France

Par Florent Couao-Zotti (Bénin)

Il a été annoncé sur les chaînes d’ici et d’ailleurs comme une célébration festive et intellectuelle. La commémoration du centenaire de la mort du roi Béhanzin, soutenue par les institutions culturelles les plus en vue, a drainé à Abomey – capitale de l’ancien royaume du Danxomen – tout ce que le monde compte de spécialistes en études et civilisations africaines. Parce qu’au-delà des gongs et des tam-tams, des louanges et des danses de palais, il fallait, pour les historiens et chercheurs, éclairer le présent et le futur sur ce que l’on sait de Béhanzin, son règne, son exil et sa mort, ce que son enseignement peut apporter à la postérité…

behanzin photo 350.jpgL’une des zones les plus tumultueuses de sa vie a été ses rapports avec les Français. De diplomatiques au début, d’amicaux ensuite, les liens avec la France se sont, petit à petit, tendus. Surtout quand les « yovos flançè » ont voulu faire de Cotonou – la façade maritime du royaume – une zone de non droit, en tout cas, sous leur contrôle. A l’époque, Béhanzin disposait de l’armée la plus puissante du Golfe de Guinée (15 mille hommes dont 5 mille amazones, le corps d’élite) et pouvait, pensait-il, faire efficacement face aux ennemis, d’où qu’ils viendraient. En plus, avec les Allemands, il avait négocié des achats d’armes de guerre. Pourtant, après deux ans de conflits particulièrement meurtriers (1890-1892), Béhanzin abandonne le palais, laissant le Général Dodds et sa troupe investir les lieux. Le roi gagne alors le maquis et organise la résistance armée. Mais le harcèlement des troupes françaises ne parviendra pas à infléchir le cours des choses. Pour mettre fin aux tracasseries glDodds.gifdont sont victimes ses proches, Béhanzin décide de signer sa capitulation. Ou un traité de paix, selon une autre version. Mais pour ce dernier cas, il fallait se rendre à Paris, discuter avec Carnot, le président de la République d’alors.

Et au lieu de la capitale française, on le fait atterrir à Fort de France en Martinique. Déçu, se sentant trahi, le roi mesure avec gravité l’inexorabilité du sort qui lui est ainsi imposé. Il ne s’en relèvera jamais. Sa mort intervenue douze ans après en Algérie (1906), ne viendra que mettre fin à une vie devenue errance et boulet.

Pour la commémoration du centenaire de cette mort justement, on s’attendait à ne pas voir les représentants du gouvernement français. On se disait que, malgré l’invitation que l’Etat béninois leur a adressée, ils allaient éviter le piège de se confronter une nouvelle fois à ce passé colonial dont certains esprits veulent y trouver des pans positifs. Erreur. Même si les officiels de la rue Monsieur ou du Quai d’Orsay ont répondu AzouzBegag2.jpgabsents, il y a eu tout de même Azouz Begag, le ministre de l’égalité des chances. Malheureusement, il n’est pas venu à Abomey où ont été organisées les manifestations officielles. Il s’est plutôt contenté de Cotonou où se tient, dans un centre culturel privé, une exposition sur le roi, exposition dont une partie des pièces provient du Quai Branly.

Cent douze ans après sa mort, Béhanzin aurait-il cessé de hanter la mauvaise conscience de la France ? Peut-être qu’on a décidé, là-bas, de ne plus « positiver » la colonisation. Peut-être qu’on a décidé de ne voir, dans la chute du roi, autre chose qu’un simple triomphe d’une armée sur une autre. Peut-être qu’on ne comptera plus le nombre de sauvages qu’on a arrachés à la gueule des crocodiles, le nombre de négrillons dont ont a couvert les fesses avec de la cotonnade « civilisée ». Peut-être même qu’on évitera de répéter qu’on a rendu plus lisse le nom de Béhanzin naguère affreusement prononcé « Gbê hin azin aïdjrè » (le monde tient l’œuf que la terre désire).

amazones_benin.jpgEn tout cas, il semble qu’il y a éclaircie sur le front des controverses inutiles. Une nouvelle occasion de regarder les squelettes que le pays des droits de l’homme a laissés dans son placard. Car, elle aura beau la fermer, la verrouiller, l’armoire cèdera un jour. Avec ses odeurs. Nauséeuses.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.