
De temps à autre, Yawo samuse. Il quitte lunivers complexe des arrangements métissés, pour surfer sur quelque rythme populaire. Une mémorable séquence de musique zaïroise a vite fait de transformer la scène en piste pour un concours de danse échevelé. Sacré Yawo, même quand il sacrifie son jeu en laissant Prince Kassi faire de lanimation sur le rythme du ndombolo, sa touche world et jazz a vite fait de détourner le tempo : Prince Kassi en perd le nord, tout comme les danseurs essoufflés, qui se demandent quel type de musicien est cet Attivor-là, qui les malmène par un décalage savant dune rythmique quils croyaient à leur portée. Je retrouve là le compositeur audacieux. Il faut le suivre pas à pas pour entrer dans la structure des morceaux qui oscillent entre jazz et folk, afro-funk, afro-jazz
Il brouille les pistes, mais ses musiciens sont à la hauteur, qui le soutiennent dans ses pérégrinations insolites. Le public est sonné, il vient dexulter à peine que déjà le musicien lemmène dans des hauteurs où la respiration est difficile et facile à la fois ! Incroyable, la foule scande, « Ayelevi, Ayelevi », réclamant là un titre de Yawo, quil jouait encore il y a plus de quinze ans, quand il officiait encore dans le groupe Zangbeto (Night People) ! Il ignore les appels de la foule, la musique est un temple, et entonne « Djalélé », un titre pour célébrer les héros sacrifiés dune Afrique qui se cherche. La foule le suit enfin quand les percussions semballent, un show man redoutable ce Yawo ! « Djalélé » nen finit pas de sallonger, un vrai morceau de bravoure qui alterne et enchaîne les airs les plus populaires du répertoire des chansons traditionnelles éwé, avec laide dAkoussa Vivi, une ancienne gloire de la musique togolaise, surgi inopinément de la salle. Et dire quil se raconte que le CCF ne voulait pas de ce concert-là, parce que paraît-il on se sait pas qui est Yawo Attivor, je nose même pas accorder du crédit à ces racontars stupides ! Yawo Attivor est un show man aguerri, et il sait tout jouer, il le prouve bien quand il reprend un vieux air camerounais qui met définitivement le feu au public. Cest à ce moment-là seulement quil laisse retomber la pression. Il redevient intimiste, avec le titre « Kafui », trois guitares classiques et la voix de la choriste qui lui donne la réplique sentimentale. « Davi Kafui », chante Attivor, « bissez, bissez », crie le public, et Yawo, pour une fois, écoute son public, et « bisse » la chanson. Ouf, le concert est à son apogée, la communion avec la salle est définitivement établie. « Last but not least », Ayelevi, le show man entonne la chanson tant attendue. Les gamins envahissent la scène pour une ultime compétition de danse, tandis que Prince Kassi, à laise dans son élément, revient animer la séquence. Avons-nous vu les heures passer ? Pas sûr, la foule est restée jusquà la fin, jusquà la chanson finale, « Celebrate », un titre terriblement groove, qui allait nous faire quitter à regret le Centre Culturel français de Lomé. Cela faisait si longtemps que nous navions plus assisté à un concert dune telle tenue, dune rigueur aussi professionnelle. Merci Yawo, bon retour chez toi, et vivement un nouvel album !