
Vaste question ! Jy réfléchissais encore ce mercredi 25 Octobre, à 3h du matin, insomniaque dans le salon de mon ami le comédien Tola Koukoui, au quartier Akpakpa, Cotonou, lorsque je suis tombé, au hasard de mes lectures, sur cette réflexion du plasticien béninois Ludovic Fadaïro :
« On ne devrait pas, dit lartiste, confier la gestion de la culture aux hommes politiques. Il faudrait constituer une commission de gestion culturelle nationale, une entité autonome, une Haute autorité une entreprise voire une ONG, si je puis dire qui, grâce à des membres capables de réflexion, soccupent réellement de la gestion de la culture et en rendent compte à lEtat. Mais la politisation de la culture, cest une erreur grave. Les politiciens ne connaissent rien à ce domaine, ils ne lenvisagent que sous langle du budget quils ont à défendre. Nous, ( ) les artistes, faisons quon entend la voix du pays ( ) LEtat devrait voter un budget pour encourager ces choses-là, envoyer des artistes (hors du pays (cest moi qui rajoute, K.A.), des culturels, nos danseurs traditionnels et les défrayer correctement. » Cette réaction de Fadaïro, je lai lu dans le beau livre intitulé Ludovic Fadaïro, par Idelphonse Affogbolo, éditions Maisonneuve et Larose, collection Esprit Libre, Paris, 2006.
Vers la fin, la pensée de lartiste béninois sembrouille un peu, car il ne précise pas, par exemple, les cadres du « défraiement » des artistes, condition sine qua non pour éviter la récupération et le « griotisme ». Néanmoins je suis daccord avec lui sur un point au moins : il est impossible aujourdhui, en Afrique, de gérer le secteur de la culture, sans mettre en concert les voix des artistes eux-mêmes. Le Burkina la fait, quand il sest agi de mettre sur pied une Mutuelle des Artistes pour venir en aide aux artistes et hommes de culture en cas de coup dur, médicalement bien sûr. Cest la seule façon, je crois, de tordre le cou aux clichés sure le fatalisme, la pauvreté ou le désespoir. Les artistes ne forment pas une corporation virtuelle, ils existent, ils créent, souffrent et meurent parmi nous, il faut donc les interroger constamment pour un recadrage de laction culturelle dEtat. Personnellement, la seule question qui me ronge aujourdhui est celle de la volonté politique. Car il en faut, un minimum, pour déclencher la vraie gestion concertée. Malheureusement je ne sais comment les artistes peuvent sy prendre pour la susciter, cette volonté politique, sans quoi rien de solide ne se fera culturellement. Pourtant, il me semble quil y en a eu dans certains pays que je connais bien, au Ghana de Rawlings (création de la National Comission of Culture), au Burkina Faso de Lamizana, de Sakanra et de Compaoré (du Fespaco au Siao, continuité dans laction malgré les difficultés), AU Mali et au Sénégal aussi disent certains bref, à la question de lami Gaétan, jai rajouté une autre qui mempêchera encore de dormir dans les années à venir : à qui revient, réellement, le financement de la culture en Afrique ?