Lancement du numéro 169 de la revue Cultures Sud
« Maghreb-Afrique noire : quelles cultures en partage ? »
13, 14 ET 15 MAI 2008 (Casablanca, Rabat, Agadir)
J’ai coordonné avec le poète et universitaire tunisien Tahar Bekri le dernier numéro de la revue Cultures Sud, sur le thème de la rencontre (difficile) entre deux parties d’un même continent, l’Afrique Noire et le Maghreb. Juste pour vous inciter à découvrir ce numéro qui tente d’approcher la question sous plusieurs angles (migrations entre le Maghreb et lAfrique subsaharienne, le commerce transsaharien qui a duré près de dix siècles, les caravanes et les communautés qui en découlent, lislamisation de lAfrique noire, traite et esclavage des Noirs par les arabo-musulmans, le temps colonial : des mémoires partagées, les relations interafricaines, le panafricanisme, enracinement et diversité culturelle, diversité et complémentarité littéraires, etc.), je vous propose l’éditorial que j’ai concocté pour le numéro (K.A.).
Editorial : Africains ou pas Africains !?
Cela remonte à plusieurs années de cela, en 1990, je crois, jétais étudiant sur le campus de lUniversité du Bénin (Togo), et je cherchais un sujet pour rédiger mon mémoire de maîtrise quand, par le plus fortuit des hasards, jai découvert la littérature francophone du Maghreb, dans un rayon de la bibliothèque du Centre Culturel Français de Lomé. Très vite, après avoir hésité entre Dib et Kateb Yacine, mon choix se porta sur La Répudiation de Rachid Boudjedra. Ce roman mavait fasciné à un point tel que je narrêtais pas den parler et de le faire lire autour de moi. Mais, quand enfin je révélai à mon directeur de mémoire mon intention d’axer mes recherches de fin de cycle sur un auteur maghrébin, la réaction du docte enseignant me surprit et me fit mal à la fois : « Qu’est-ce que tu as à f… avec ces Arabes » (sic) ! On peut croire, de prime abord, la réaction fortement teintée de racisme, mais avec le temps, jallais comprendre quelle révélait plus des préjugés communs à l’égard des Arabes, voire plus simplement à l’égard de l’Islam quun refus total de maccorder lautorisation daller butiner le savoir hors du champ trop restrictif, pour moi à lépoque, du seul roman négro-africain. Effectivement, la fable anti-islamique a la vie dure, en Occident comme dans les autres parties du Monde : « Islam, islamisme sont de ces termes dont la répétition morbide et obsessionnelle, sur le plan médiatique et pseudo-littéraire, finit par produire une nausée profonde, à défaut de peur généralisée » Il est vrai, aussi, qu’a l’époque, « l’affaire Rushdie » et les poussées de l’extrémisme musulman défrayaient la chronique. Mais ceci nexplique pas cela : il y a de la part du Négro-Africain, une somme de préjugés qui lui interdit d’inclure le monde maghrébin (Maghreb et Grand Maghreb) dans sa vision continentale, point à la ligne. Et ce nest pas la fraternité du ballon rond, lors des matchs de la Coupe dAfrique des Nations ou pendant le Mondial, quand chaque partie du continent devient supporter de lautre, une fois que leurs équipes sont éliminées, et quil nen reste plus quune seule pour représenter lensemble, qui change quelque chose au constat : sur le même continent, Africains et Africains se tournent le dos, chacun gardant par devers lautre une dette historique, un passif lourd de non-dits, de sous-entendus. Pas étonnant donc que les universités africaines, au nord comme au sud du Sahara, n’accordent que peu d’importance aux recherches portant sur leurs littératures respectives. Dans tous les secteurs, l’échange « Maghreb/Afrique Noire » fonctionne mal. Peut-être serait-il temps dy remédier. Puisse ce numéro de Cultures Sud contribuer à poser les jalons dune réflexion sereine qui mène à la réconciliation des parties dun même organisme qui semblent vivre coupées lune de lautre.