Ces derniers temps, dans le Nigeria de celui que Fela surnommait « Supervisor Obasanjo », précisément dans le Delta du Rivers, la région la plus pétrolifère du pays, plane le fantôme de Ken Saro-Wiwa. Prise d’otages, plasticage de pipe-lines, violences physiques des milices diverses et réponses musclées de l’armée nigériane, tout semble continuer comme avant, du temps où l’écrivain et activiste des droits de l’homme dénonçait l’exploitation sauvage du pétrole sur la terre des Ijaw et des Ogoni sans contrepartie sensible pour les populations locales, sans souci de l’avenir écologique de la contrée.
Ces derniers temps, dans le Nigeria de celui que Fela surnommait « Supervisor Obasanjo », précisément dans le Delta du Rivers, la région la plus pétrolifère du pays, plane le fantôme de Ken Saro-Wiwa. Prise d’otages, plasticage de pipe-lines, violences physiques des milices diverses et réponses musclées de l’armée nigériane, tout semble continuer comme avant, du temps où l’écrivain et activiste des droits de l’homme dénonçait l’exploitation sauvage du pétrole sur la terre des Ijaw et des Ogoni sans contrepartie sensible pour les populations locales, sans souci de l’avenir écologique de la contrée. En dehors du Nigeria, qui se souvient encore de Ken Saro-Wiwa? Récemment, à Londres, en 2005, un monument à la mémoire de l’écrivain a été inauguré en présence de Milan Kundera. En 2003, précédemment, Nocky Djedanoum, le directeur du Festival Fest’Africa, lors de la première édition africaine de ce festival au Tchad, avait lancé l’idée d’un prix littéraire Ken Saro-Wiwa, ce prix n’existe toujours pas, et personne, à ma connaissance, n’a relayé l’initiative de Nocky! Ce qui serait une bonne chose en réalité, pour compléter les actions de la Fondation Ken Saro-Wiwa (http://www.kensarowiwa.com), laquelle oeuvre à perpétuer le combat politique et intellectuel de l’écrivain.
En attendant, juste cette envie qui me vient, de vous faire découvrir le roman posthume de KSW, Lemona, que j’ai eu l’honneur de traduire pour les Editions Dapper en 2002. Le romancier togolais Sami Tchak, dans son dernier roman La fête des Masques, rendait un hommage discret et intertextuel à l’auteur nigerian en reprenant ce personnage éponyme parmi les héroïnes de son livre. Jouissif. Que dire de Lemona, le roman de KSW? Michel Leiris rêvait de la littérature comme d’un acte proche de la tauromachie, où l’écrivain, comme le torero, se mettrait en danger lui-même, en s’engageant tout entier dans ce qu’il écrit. Ken Saro-Wiwa dont le destin tragique est connu (mort pendu en 1995 sous le règne du dictateur nigérian Sani Abacha) réalise ici le voeu de Michel Leiris. Ce roman est dur, et beau à la fois, tant on sent, derrière chaque ligne, l’investissement d’un auteur qui sait qu’il va mourir, et qui lutte contre l’envie de laisser un testament (pour qui? ses enfants? son peuple?) mais ausi de faire acte de littérature. Comme l’auteur, l’héroïne du roman mourra pendue. La littérature rejoint la vie, dans son aspect le plus tragique, mais toujours avec retenue. Voilà la force de ce roman posthume. Adieu, Ken Saro-Wiwa, un lecteur qui aime tes livres et respecte le combat qui t’a coûté la vie!