Nano et Namdjouga : sites culturels en danger

surlesite3.jpgLe mois de septembre a été caractérisé au Togo, particulièrement dans la région des Savanes, notamment les préfectures de l’Oti, Tandjouaré, Kpendjal et du Tône, par des pluies diluviennes, qui ont eu de graves conséquences sur les plans matériel et humain. La région est très importante d’un point de vue culturel de par la diversité ethnique de sa population, mais aussi pour ses sites historiques.

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surlesite3.jpgNano et Namdjouga : sites culturels en danger

Le mois de septembre a été caractérisé au Togo, particulièrement dans la région des Savanes, notamment les préfectures de l’Oti, Tandjouaré, Kpendjal et du Tône, par des pluies diluviennes, qui ont eu de graves conséquences sur les plans matériel et humain.
La région est très importante d’un point de vue culturel de par la diversité ethnique de sa population, mais aussi pour ses sites historiques dont les Grottes de Nano, dans le Tandjouaré, et les peintures rupestres préhistoriques dans le Kpendjal et le Tône.
Inquiet de l’ampleur des dégâts causés à l’environnement par les pluies diluviennes, l’écrivain Kangni Alem, à la demande de la Fondation Prince Claus, a commis une inspection sur les lieux culturels de la région des Savanes. Du 4 au 5 octobre, des inspections ont été faites sur les sites du Kpendjal et du Tandjouaré.

A-   Présentation géographique

La région est formée d’une végétation de savanes d’une platitude exceptionnelle, curieusement entrecoupée de monts verdoyants riches en damans de rochers: c’est le domaine par excellence du rônier, de la culture attelée et de l’élevage bovin. Très chaude, avec des températures allant quelquefois à 40° C, la région connaît alternativement une saison sèche de 6 mois et une saison pluvieuse de 6 mois également. L’ethnie majoritaire de la région est le groupe gourmatché-moba, mais on y trouve également les Mossis et des peuls nomades ainsi que de nombreux ressortissants du reste du pays. Ces populations, à cheval sur le nord Ghana, le Togo et le Bénin, pratiquent l’islam, le christianisme et l’islam. A l’exception des villes, l’habitat reste souvent traditionnel et éclaté sous forme de cases rondes. Ces peuples ont une culture individualiste, les liens entre les familles et la communauté sont plus ou moins serrés.
Non loin des vallées du Niger et du Lac Tchad connues pour être des foyers d’immigration de nombreux peuples vers le l’intérieur et le Sud du continent, la région compte des trésors historiques  dont les peintures rupestres à :
–         Nambongalitankanguile, Sodjaoul dans le canton  de Naki Est, dans les monts de Namoudjoga, à Afounga dans la préfecture du  Kpendjal ;
–          à Maogdjog à Dapaong ;
–         des grottes historiques avec grenier à Nagou, dans le canton de Nano, préfecture du Tandjouaré.
Le Musée régional de la région de la Savane (MRS) est chargé de la protection de lieux archéologiques de la Savane. Son directeur, M. Diabakatiè Djindjina s’est proposé comme guide pour aider l’inspecteur dans l’inspection. Le nouveau directeur vient de prendre le poste, il y a juste deux mois, à la suite du départ à la retraite de son prédécesseur.
B-  Des inspections
1-    Sur les peintures rupestres


 rupestre2.jpgLes inspections ont eu lieu sur le site de Nambonga dans le canton de Namoudjoga et le site d’Afounga dans le Korbongou, villages situés dans le Kpendjal, où se sont produites les inondations. On y trouve des peintures représentant des formes humaines et animales.
Le site de Nambonga est situé dans une région rocailleuse au relief en forme de  cuvette entourée des montagnes de Namoudjoga. Il n’a pas subi les inondations de septembre, compte tenu de la nature imperméable du sol. Nambonga est situé à 30 kilomètres de la ville de Dapaong.
Constat :
Le site est situé à 30 mètres de la route en latérite qui relie la ville de Dapaong à  la préfecture de Kpendjal, piste rurale très  poussiéreuse pendant la saison sèche. Aucun signe extérieur ne met en évidence la présence du site. Le directeur et l’inspecteur ont dû recourir à l’aide des habitants du village de Namoudjoga pour les conduire sur le site.
Deux grosses pierres constituent le siège des peintures rupestres. Certaines sont évidentes au coup d’œil quand le visiteur se rapproche de la pierre. D’autres par contre peuvent difficilement être vues sans attention particulière du visiteur. Des  peintures portent des traces de destruction, dues aux visiteurs touristes de la région, selon le chef de village mais aux enfants qui mènent en pâturage les animaux, selon certains habitants interrogés. Il est à noter que les habitants de Namoudjoga et de Nambonga ne connaissent pas l’importance de ces trésors historiques. Certains racontent que les peintures sont les traces de leurs ancêtres, mais ils sont incapables de dire ce que cela représente pour leur village.


 rupestre1.jpgCertaines peintures sont en voie de disparition : selon l’explication du chef du village de Nambonga, certains touristes versent des produits sur les peintures pour mieux les mettre en évidence, et à la longue les peintures disparaissent.
Une peinture porte particulièrement les traces des raclages opérés par des enfants ou des touristes.
Il est à noter que les touristes peuvent venir même sur les lieux sans l’aide du Musée régional de la Savane. Il est très facile de se faire conduire sur les sites en demandant à un taximan en ville.
Les pierres ne sont pas protégées ni du soleil ni de la pluie. Elles continuent à se détériorer sous l’effet conjugué des aléas climatiques de la région.
–         le site d’Afounga
Afounga est une localité située dans le Korbongou où il y eut de graves inondations. On y trouve des traces archéologiques, qui permettent de comprendre qu’il était le centre important pour la fonte du minerai de fer. Ce site est inondé, selon l’un des employés du  bureau mais la mission n’a pas pu aller faire les inspections à cause de l’état impraticable des routes.
2-    Sur les grottes
surlesite2.jpgAppelées grottes  de Nano, mais en réalité situées à Nagou (ou Nag), un village situé sur une montagne à plus de 15 Kilomètres de ce canton, les grottes sont situées  dans les creux des montagnes de Nano. Le village de Nag est distant de plus de 42 Km de Dapaong. On y accède par une piste rurale crevassée par les pluies diluviennes et en très mauvais état. Le village est situé sur la montage, et seules les véhicules 4X4 et les motos 125 CC peuvent y avoir accès. En saison sèche, les pistes sont restaurées et plus praticable qu’en saison pluvieuse.
Ce site également n’est pas mis en évidence par la présence d’un panneau.
Pour y faciliter l’accès, le Ministère de la culture, par l’intermédiaire de la préfecture, y a installé un escalier pour aider à descendre dans la grotte qui se situe sur le flanc de la montagne.
Les grottes sont remplies de greniers faits en terre cuite qui témoignent de la présence des hommes qui fuyaient peut-être la traite négrière où les guerres avec les Tchokossi dans leurs tentatives de créer un royaume au Nord Togo.
Constat :
Les greniers sont victimes de deux sortes d’agression : humaines et naturelles.
a-    L’humidité et les eaux ruisselant sur les flancs de la montagnes ont dissout certains greniers. On constate une forte présence dans les grottes de chauve-souris.
b-   Les visiteurs, notamment les élèves et les nationaux, agressent les greniers  en inscrivant avec des objets durs leurs noms ou autres formes d’inscriptions sur les parois des greniers, pour marquer leur passage. Presque 70% des greniers ont été ainsi attaqués.
c-    Présent dans un milieu très pauvre,  certains habitants  du village de Nagou où même de la ville de Dapaong font visiter les lieux par des touristes sans passer par le chef dudit village.

C-  Etat du Musée régional de la Savane

surlesite1.jpgResponsable des sites culturels de la Savane, le Musée de la Région de la Savane (MRS) est pourtant dépourvu de moyens de protection et de visite des lieux. Le musée est composée d’une grande salle, d’un petit bureau pour le directeur  et d’un waters. Le MRS n’a ni téléphone, ni eau, ni électricité. 
Le MRS n’a pas de moyens de transport pour visiter régulièrement les lieux, ce qui fait que les sites culturels sont à l’abandon sans soutien de la part du ministère de la culture.

D-  Recommandations

–         Pour les sites abritant les peintures rupestres, il est urgent de commettre un expert pour inspecter les lieux afin de faire les observations pour la protection et la restauration des sites.
–         Il en est de même des grottes de Nano.
–         Il est urgent de doter le MRS de  moyens de transports dont les motos et d’un fonds de carburant pour la visite régulière  des lieux.
–         Il est également important de doter le MRS d’un téléphone, d’électricité et d’eau potable, le tout avec un fonds annuel permettant de couvrir les frais.
–         Il est souhaitable de former un personnel chargé de garder les sites. Ils peuvent être originaire des villages  abritant les sites.
Conclusion
La dégradation des lieux témoigne de la place de la culture au Togo. Lieux importants de la culture et du tourisme, il faut croire que les sites sont mêmes inconnus des principaux responsables du ministère et n’ont pas été placés au cœur d’un vaste projet de développement de cette région arriérée où vivent également des populations très pauvres.
 

Par Tony FEDA,
Journaliste culturel

 


 

 

 

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