Lire est un plaisir(16):la musique adoucit les coeurs

woza.jpgAu moment où l’Etat se désagrège, où les lois nationales et internationales sont bafouées, un groupe de personnalités nationales et internationales apparaît, que notre continent et le reste du monde sont prêts à écouter. Ce sont des footballeurs, des athlètes, des écrivains, des artistes – notamment des musiciens…

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ehkole2.jpg« Au moment où l’Etat se désagrège, où les lois nationales et internationales sont bafouées, un groupe de personnalités nationales et internationales apparaît, que notre continent et le reste du monde sont prêts à écouter. Ce sont des footballeurs, des athlètes, des écrivains, des artistes – notamment des musiciens – célèbres sur toute la planète » (p. 41). C’est ainsi que l’écrivain et universitaire nigérian Kole Omotosho (célèbre pour son parrainage de la version tropicale de l’émission Loft Story à la télé sud-africaine) explique le sens et l’objectif de ce livre né d’un projet initié par la Croix-Rouge Internationale.

(Juste une remarque sur l’introduction de Kole Omotosho; par rapport à la capacité d’écoute comparée des écrivains et des musiciens, je reste sceptique. Il y a des jours où je me suis dit en voyant les jeunes boire les paroles de mon ami, le chanteur togolais King Mensah, que j’aurais dû troquer le micro contre le stylo, mais bon King pense le contraire, ce vilain flatteur… )

L’ouvrage fait partie d’un ensemble composé du disque So Why ? wallybadarou_sepia.jpg(arrangé par le pianiste béninois Wally Badarou, photo de gauche) et d’un documentaire de télévision réalisé par le cinéaste camerounais Bassek ba Khobio, qui a fait le tour des télés africaines, le tout destiné à soutenir la campagne visant à faire respecter les droits des civils dans les conflits sur le continent. Cinq grands musiciens africains, Youssour N’dour, Papa Wemba, Janu Khanyle of Bayete, Lagbaja et Lourdes Van-Dunem ont prêté leur concours artistique au projet. Au cours de l’année 1996, ils ont effectué un voyage à la fois musical et humanitaire au cœur de quatre conflits et de quatre territoires : le Liberia, l’Angola, la frontière du Soudan et le Kwazulu Natal où les a rejoint la star locale de reggae, le sud-africain Lucky Dube. C’est la mémoire de cette tournée que d’illustres photographes (une dizaine) sollicités par la Croix-Rouge ont immortalisé. La dureté de la plupart des photos, leur intransigeance devant la cruauté de la guerre a de quoi soulever le cœur, mais comment tricher devant un réel aussi catastrophique, une boucherie tellement systématique que peu de place est dévolue au rêve ? « Les champs de mines sont terribles. Quelle affreuse inversion de l’ordre logique des choses : c’est du ciel que viennent le tonnerre, le feu et la foudre. Ici, tout vient de la terre et des graines de destruction qui y sont plantées ! » (p. 49)

Si femmes et enfants sont les victimes toutes désignées des conflits visités, il importe de rappeler que ces derniers sont également acteurs à part entière de la « fabrication » des victimes. Kolé Omotosho rappelle leur docilité, leur cruauté presque angélique qui font d’eux les meilleurs auxiliaires des seigneurs de guerre. Le rappel se veut aussi historique, sur l’existence précoloniale de certains conflits africains, même s’il est évident que la nature des conflits actuels soit plutôt à chercher du côté d’une lutte intestine dont l’objet est le contrôle de l’Etat, un Etat multiethnique dont la construction n’est même pas encore à l’étape de l’ébauche !

Au milieu de ces rappels cinglants à la dure réalité, la préface de madiba.jpgNelson Mandela se veut plus optimiste, délibérément prospective, qui appelle à une « renaissance » des valeurs qui autrefois donnaient sens au vivre ensemble africain. Reconnaître franchement la difficulté d’une telle renaissance ne serait-elle pas plus juste et incitative d’une meilleure invention des moyens devant y mener ? « Le squelette de l’Afrique nous dit/Afrique, le monde pourrit » nous le chante crûment Bayete, nullement dupe des faux espoirs que peut entretenir l’afrocentrisme ou quelque succédané facile ; la conscience universelle d’une débâcle des valeurs ramène le débat à sa juste mesure et pose brutalement la question aux Africains de la recherche obligatoire d’une vision du monde à la fois communautaire et modernisée. Un véritable projet symphonique, au propre comme au figuré !

woza.jpgKole Omotosho, Woza Africa ! Quand la musique défie la guerre

Préface de Nelson Mandela, Paris, Les Editions du jaguar, 1997, 98 pages, 12,20 €.

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