Bernard KOLELAS Le Déchirement, CEDA/NEI, 2006
Comme sil ne suffisait pas de livrer au lecteur le travail romanesque, et de le laisser apprécier où classer ce « roman », son auteur a ressenti le besoin de tout nous expliquer, dans une courte préface dont aurait pu se passer : « Nous présentons au lecteur un roman où nous passons en revue une suite de murs sociales congolaises, à travers le mariage traditionnel. Nous considérons cette étude romancée sur les murs négro-africaines, comme une contribution à la connaissance et à la compréhension de léthique sociale et morale du monde africain traditionnel. »
Dans la vieille tradition du roman sociologique africain, Le Déchirement de Bernard Kolelas raconte lhistoire dun jeune homme congolais, fonctionnaire de son état, pris dans létau du double respect des coutumes de son peuple, et celui dû au père par le fils. En effet, si la tradition bantoue oblige Massengo (dit Mas) à se marier pour gagner en respectabilité aux yeux des siens, il nen demeure pas moins que le respect dû à son père voudrait quil acceptât la volonté de son père, en se mariant avec Nzimbu, la jeune fille que ce dernier avait choisi pour lui, sans son consentement, évidemment. La trame du roman est dune simplicité linéaire. Massengo, malgré lintervention de son oncle, désobéira à son paternel, pour sauver celle quil aime, Humba de la déception amoureuse. Certes, il y a des menaces sur ce mariage, mais Mas finit par imposer son idéal et se fiancer avec Humba selon les lois coutumières. Le père, pour laver le déshonneur de Nzimbu, finira par proposer à un de ses neveux dépouser celle-ci. Mais les années passent, et lépouse de Mas ne lui donne pas dhéritier, au grand désespoir de sa famille, qui séloigne du couple, immanquablement. Mais un jour, ô surprise, alors que plus personne ne sy attendait, Humba finit par tomber enceinte. Retour de la belle-famille, et promesse de bonheur futur. Le roman se termine sur ces phrases dignes dun bon roman de la série rose : « Des rayons tardifs du soleil couchant vinrent affectueusement illuminer le visage du bébé endormi. Un visage éclatant de beauté, de pureté et dinnocence. Une brise légère se mit à souffler. Incapables dexprimer tant de joie, Massengo et son épouse se contentèrent de se regarder et de se sourire, tout simplement. »
Le lecteur, devant une fin aussi banale, a le choix aussi : sourire ou semporter ! Sur le plan littéraire, Le déchirement nest pas un livre à lécriture originale. Beaucoup de clichés et dapproximations dans la description des sentiments des personnages, beaucoup de bavardages, comme celui qui va de la page 178 à la page 180, explication sur le sens des rêves où un certain Makuya, dont on ne sait qui il est, cite Freud et Jung sans que lon sache pourquoi ! Peut-être lintérêt du roman est-il ailleurs ? Possible. Pour le lecteur non au fait des traditions bantoues, le livre est peut-être informatif. Dailleurs, il porte un sous-titre qui le rapproche plus de lessai déguisé en récit : Contribution à la connaissance de léthique africaine, connotation bantu-kongo. Neût-il pas été plus simple pour Bernard Kolelas, diplomate et ancien premier ministre du Congo, dont on nous explique dans sa biographie quil est un passionné de « recherches psycho-spirituelles », décrire un essai pour présenter sa vision des défis qui attendent les traditions bantoues dans le nouveau millénaire ?
Reste en tout cas, entre les mains du lecteur, un livre étrange, que lon na plus lhabitude de voir dans la fiction africaine de langue française !