Lire est un plaisir 13: Jeannette Ahonsou, la veine du roman populaire

jeanette_ahonsou.jpgDans un post sur la littérature togolaise, j’avais évoqué la question de la rareté des auteures (comme on dit au Québec), des plumes féminines dans la littérature togolaise. Je tentais de comprendre un phénomène qui n’est peut-être pas unique au Togo, mais qui est assez symptomatique d’une mentalité à analyser. La lecture récente d’un roman signé Jeannette Ahonsou, écrivaine togolaise, m’a quand même remis du baume au coeur, même si je n’ai toujours pas la réponse à ma question: à quand le règne des femmes sur la littérature togolaise?

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Il s’agit d’une banale histoire de ménage à trois… avec pour protagonistes principaux Constance, son mari Gilles, et la maîtresse de ce dernier, Sylphide, alias Cristal. Situation de polygamie non déclaré, puisque l’épouse ignore l’existence de cette rivale qui n’a qu’un objectif : ravir à Constance son époux, par tous les moyens possibles… Quand ça commence ainsi, on peut se dire, d’accord, on a tout compris, on peut refermer le livre. Quelques surprises vont alors vous convaincre de continuer la lecture.

jeanette_ahonsou.jpgLa première de ces surprises est le cadre de l’histoire. Romancière togolaise, Jeannette Ahonsou installe contre toute attente le décor de son roman loin du pays natal. En effet, tout se passe à Madagascar, la grande île de l’Océan Indien, célèbre pour ses rites funéraires, dont l’auteur va s’inspirer pour imprimer une ambiance au récit. Celle des intrigues sans fin, des tentatives de meurtre dont on ne sait pas toujours qui est à l’auteur. Et c’est là l’autre surprise du roman, l’embrouillement des pistes, copie conforme de la confusion des sentiments. Qui de Sylphide ou de Gilles, tire les ficelles dans l’ombre ? D’autant plus que Gilles lui-même pourrait avoir envie de se débarrasser de Constance, qui ne lui a jamais donné d’héritier mâle, ce que Sylphide par contre serait sur le point de lui offrir. L’arrière-fond sociologique sur l’importance de l’enfant mâle n’est pas forcément une belle trouvaille, mais qu’importe, il fournit une fausse piste intéressante. Le lecteur cherche des réponses en suivant le fil tendu entre les péripéties du roman.

Comme toujours dans les histoires à trois, il existe un quatrième larron en embuscade, prêt à intervenir pour offrir aux personnages et à l’auteur la voie de sortie. Si la structure du récit n’avait pas été intelligente et sans prétention, je crois que Jeannette Ahonsou aurait raté l’introduction dans ce récit de ce quatrième personnage.

Il y a d’abord la scène du coup de foudre, en l’occurrence celui de Ray, jeune médecin, pour Constance, à l’insu de celle-ci, la première fois qu’il l’aperçut dans une ferme laitière. Il faudra attendre plusieurs chapitres pour que la deuxième rencontre ait lieu, cette fois-ci dans une chambre d’hôpital où Constance, victime d’un accident de voiture mystérieux, est en train de perdre la tête. Ray va jeter toutes ses forces d’amoureux transi dans cette bataille médicale contre le traumatisme et le mal-être de la jeune femme, avec l’intention manifeste de rafler la mise, d’autant plus qu’il sait des choses sur Gilles qui le mettent en position de force.

Puis il y aura l’événement capital, qui va précipiter l’histoire et, par contrecoup Constance elle-même dans les bras de Ray. Un soir, à une fête où l’affrontement entre Sylphide et l’épouse de Gilles éclate au grand jour, cette dernière échappe à un empoisonnement, miraculeusement. Une serveuse boit dans le verre qui était destinée à Constance et se porte mal. Le roman approche à cet instant-là du dénouement, puisque Ray se transforme presque en détective pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à la serveuse, et de fil en aiguille met à nu les machinations contre celle qui allait devenir sa nouvelle compagne à la fin du roman.

Il y a la petite prouesse finale, le maintien du flou, comme dans n’importe quel polar classique, autour du protagoniste collatéral, celui qui se révèle être à la fin plus qu’un « deux ex machina ». Dès le départ, l’auteure en avait brièvement parlé, de ce personnage féminin, la maman de Sylphide, mère indigne que sa fille abandonne à son sort misérable pour courir le monde et les hommes à sous. On la retrouve, cette femme, aux côtés de Constance, laquelle l’a recueillie dans des conditions bizarres, mais jamais n’aura idée que le danger le plus crucial qu’elle a à affronter était tout proche d’elle. Mais à force de traquer le « happy end », Jeannette Ahonsou nous offre un dénouement convenu et bâclé où Cristal (Sylphide) et sa mère meurent de façon rocambolesque, laissant un Gilles hagard et désemparé traîner son mal-vivre ! N’empêche, au total, Le trophée de Cristal est un bon roman populaire, dont la lecture n’est jamais ennuyeuse.

Références: Jeannette Ahonsou, Le trophée de cristal, Les éditions de la rose bleue, Togo, 2005.

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