Lilyan Kesteloot et le nègre Césaire

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Les années 80, sur le campus de l’Université de Lomé. Je venais de passer un semestre en faculté de droit. Un semestre frustrant, épuisant, consacré à me lever aux aurores, pour venir « réserver » ma place dans un amphi aux dimensions lilliputiennes. Un matin comme les autres, en arrivant au cours de Finances Publiques, ma « place » avait été séquestrée, et l’amphi était bondé comme un cercle de l’Enfer. Je pris la décision, ce matin-là, d’aller suivre un cours au département de Lettres , juste à côté. J’y suis resté, au détriment du Droit. Et parmi les auteurs avec lesquels j’allais vite me familiariser, il y avait une certaine Lilyan Kesteloot, critique belge dont j’aimais les travaux, en grande partie consacrés à la naissance de la littérature « négro-africaine », concept aujourd’hui totalement déconstruit. En ces années 80, en effet, la nationalité littéraire tenta de prendre le pas sur l’approche identitaire globale. Celle-là même qui a permis d’inclure Césaire, un Antillais, dans la littérature africaine, un peu par militantisme, et aussi par contamination idéologique basée sur l’Histoire et la proximité thématique. La Négritude brassait large, qui s’inspirait des combats des Nègres, des Etats-Unis aux Antilles, en passant par l’Afrique, matrice physique indépassable. La littérature africaine se sépara par la suite de l’antillaise, il n’en demeure pas moins que, pour beaucoup de jeunes collégiens sur le continent, Césaire reste un frère de plume. Et quel frère! Un tour de force à saluer, en souvenir de la pionnière des critiques des lettres africaines qui vient de tirer sa révérence ce 28 février 2018! Pour le reste, je retiendrai de Lilyan K. qu’elle fut très critique de la génération d’écrivains à laquelle j’appartiens (relisez sa critique ici), notamment de notre propension à explorer les territoires de la sexualité humaine (j’ai pas dit nègre), mais comme le rappelle Sami Tchak dans son livre La couleur de l’écrivain, la grande dame n’était pas fermée à la contre-critique et à la réfutation de ses thèses. Une élégance à saluer aussi. La terre se doit de lui être légère!

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