Lettre ouverte à un cadre de la CDPA

cdpaaffiche-lomecommune.jpgLa CDPA du Professeur Gnininvi, un parti dont je suis proche, a rejoint récemment le nouveau gouvernement togolais, boycotté par les autres partis de l’opposition. Cette décision de la CDPA a surpris plus d’un. Et j’ai reçu, en tant que cadre et militant de ce parti, d’innombrables lettres d’insultes. j’ai pris sur moi, la politique étant une école où l’on prend des coups, forcément. Puis est arrivée cette lettre d’un lecteur de ce blog. J’ai décidé de la publier in extenso, pour ne pas donner l’impression que je fuis ce débat crucial pour la nouvelle donne politique au Togo. A vous de juger! (K.A)

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cdpaaffiche-lomecommune.jpgBonjour cher Alem

Je m’autorise par la présente à m’immiscer dans la question de la position de la CDPA, depuis la formation de l’actuel gouvernement. Pour la composition de l’équipe telle quelle, je n’ai à proprement parler rien à dire sur sa qualité parce que les gouvernements ne valent que ce que valent les gouvernants. En cela, je ne suis ni enchanté ni ne déchante de qui que ce soit du fait que je n’ai qu’une connaissance lointaine de beaucoup de ceux là qui gravitent autour des sommets. La question que j’aborde ici est relative à l’entrée de la CDPA dans le gouvernement, en porte à faux avec la posture d’une classe politique majeure, sous le couvert de l’opposition officielle. C’est cette posture qui ne manquera guère d’étonner du moment qu’il n’est jamais arrivé de voir le professeur Gnininvi solitaire dans sa stratégie, et quand il serait arrivé une fois qu’il ait soutenu à son corps défendant qu’un accord convenu avec la partie adverse n’engage que les signataires dont il fut, cela n’a pas été pour déplaire à ceux pour lesquels il menait son combat contre la dictature de Gnassingbé Eyadéma.

Le professeur donc, pour ce qui est connu de son action publique, n’a jamais pris fait et cause pour le régime. C’est pourquoi, lorsque monsieur Sénouvo Agbota Zinsou l’interpelle sur l’échec des deux décennies de lutte au lieu de n’assumer que celui de la défaite de son parti aux dernières élections, ou qu’il ne l’honore pas de l’encombrante palme académique dont quelques esprits rusés s’empêchèrent de le décorer la veille d’un jour compromettant à nul autre pareil, ce n’était pas pour faire dans le genre des critiques passionnés où se délecte le petit peuple désorienté par les prestidigitateurs de tout poil. Il y a une grandeur quasiment dépassionnée et une intelligence d’analyse inégalée dans les propos du très respectable Sénouvo dont je venais de lire le chant de cygne au moment même où je m’apprêtais à vous écrire ce message. Après que je l’ai lu, et étant venu vous écrire ces mots avec la même motivation que celle qui emplit sa conscience, je n’ai pu me résoudre à quoi que ce soit d’autre que de réaliser que si alors je me trompais sur mes conclusions, alors nous sommes désormais forcément deux.

Et de quoi donc m’assuré-je ainsi ne m’être pas trompé ? Que la classe politique des aînés de toujours a définitivement perdu le combat. Il se peut d’ailleurs que bientôt il n’y ait plus combat puisque l’on a beau défier le régime en place, il ne saurait s’agir d’un même combat que celui qui nous opposait à la dictature d’Eyadéma. Dans l’hypothèse de la guerre tendrait peut être aujourd’hui vers sa fin, ceux qui continueraient à en brandir les haches ne rendent donc pas service au peuple ; et dans celle autre que nous allons vers la douce « démocrature » comme le Gabon la met en scène à la perfection et le Burkina Faso y avance à pas insidieux, il faut comprendre que le mal a changé de forme, non moins nocif du reste, et alors engager la lutte bien à propos. Dans ce dernier cas, il faut savoir s’y prendre autrement et bien se tenir.

Voici ce que je proposerais au CDPA. Le professeur Gnininvi est entré au gouvernement pour des convictions qui sont propres à sa personne ou à son parti. S’il s’en trouve auxquels cela résonne d’un écho désagréable, c’est parce qu’il est leader de ceci et qu’il l’a été de cela. Maintenant si on ne peut pas changer le cours du passé, on peut tout de même penser à ajuster le présent. Je propose au professeur Gnininvi de passer le témoin de la tête du parti. Ce n’est pas seulement parce qu’il est rentré au gouvernement que je le lui propose, mais parce qu’il a sonné le glas des espoirs irréductibles tant il avait en plus de l’inclination à l’action efficiente de groupe, une avance de prospective qui fait qu’à positions identiques, il est celui là qui donnerait, j’en suis plus que certain, davantage de résultats escomptés… Suivez mes regards. Si donc aujourd’hui il cavale seul, ce ne saurait être parce qu’il n’a pas prévu la réaction qui s’en serait suivie ou qu’il aurait comme le pensent certains en des termes durs à son égard vendu son âme au diable. Pourquoi d’ailleurs à bien y voir devrait il continuer à tenir chaste dans l’attente du jeune marié pour les noces quand les déboires que son parti a enregistrés aux dernières élections lui laissent légitimement le droit de perdre sa virginité, n’ayant pas eu l’électorat représentatif auquel il devrait être assigné à rendre compte à la nation.

Mais le CDPA, comme tous les autres partis, ne pouvant et ne devant se réduire rien qu’à leur dirigeant ou leader, il devient utile pour le parti lui-même de devoir conduire le peuple et son électorat à une lecture plus transparente, afin que la question « pourquoi le professeur est au gouvernement ? » n’interpelle que monsieur Gnininvi personnellement de la part de ceux qui tiendraient à lui demander des comptes quand bien même il ne représenterait plus le parti au plus haut niveau, ou alors que la question soit nuancée et qu’on puisse dégager clairement les voix qui s’enticheraient à critiquer le cas échéant l’entrée plutôt du parti au gouvernement. Quand alors ce serait le parti CDPA qui serait interpellé, l’état major n’aurait pas d’autre choix que de considérer sérieusement la question pour la vie et la survie du parti et pour les échéances futures.

Pour ma part, je vous confie que tandis que la question de l’entrée du professeur au gouvernement guère ne m’intéresse, comme j’ai essayé d’en donner les raisons, en revanche sa démarcation très peu ordinaire du combat des anciens camarades de lutte montre que l’implosion est consommée, et, dès lors, je me suis rendu à l’évidence que ce qui n’a pas pu être gagné ne le sera plus jamais dans le court terme, au grand dam des espoirs des habitants de notre commune cité. Et j’ai bien de raison de penser que le professeur a dû l’avoir compris. Mais si tel est alors le cas, il a dû également avoir compris que pour lui et ses congénères, il reste à passer le bâton de pèlerins, eux qui, n’en déplaise à leurs contempteurs, pour moi, n’ont, exception faite de l’imperfectibilité congénitale à l’homme, quasi pas démérité : je voudrais citer sans ambages les leaders du CAR, de l’UFC, et de la CDPA. D’un mérite hélas qui risque de ne plus longtemps durer.

Dans l’espoir d’avoir été le moins importun que possible et m’excusant d’une attitude que je n’aurais osée si je n’avais jamais douté de la force de vision de monsieur Léopold Gnininvi, je vous prie cher ami, de recevoir l’expression de mes sincères encouragements.

Tchalla Kodjo

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