Depuis un certain temps, dans les propos de M. Sarkozy sur limmigration, revient la référence aux « médecins béninois ». Cela gêne M. Sarkozy quil y ait beaucoup de médecins « béninois » en France et pas assez au Bénin, comme si la nationalité et lexercice dun métier allaient de soi. Après le plombier polonais, le médecin « béninois »! Dailleurs, personne ne sait si ces médecins sont vraiment béninois ou français, puisque les conditions de lexercice de la médecine comme du métier de croque-mort sont strictement réglementées : un étranger ny a pas acès facilement. Alors, quelques Béninois en ont eu marre, à linstar de Camille Amouro, Directeur de La Médiathèque des Diasporas à Cotonou, et ont décidé de répondre au Ministre de l’Intérieur français. Voici la réaction de Camille Amouro. Bonne lecture et à bientôt. (K.A)
Les Béninois sont fiers de leur médecine. Dites-le à limmigré Sarkozy !
La mission mincombe, en ma qualité de directeur de La Médiathèque des Diasporas, et parce que les autorités politiques du Bénin nont pas cru devoir le faire, de signifier aux médecins béninois de France et du monde entier, la fierté, la reconnaissance et la solidarité de lensemble du peuple béninois pour lextension de leur mission humanitaire au-delà des frontières du Bénin. Ils ont choisi résolument de soccuper de la santé des individus de la terre, en toute responsabilité et en toute connaissance de cause, là où dautres immigrés multiplient dintrigues et de manigances cyniques pour ravir aux fils des premiers occupants la magistrature suprême.
Les Béninois pensent que si les médecins français dorigine béninoise arrivent à exercer dans des conditions dune rude hostilité politique, cest parce quils sont compétents, cest parce quon a besoin deux là où ils sont, que ce nest pas parce quils sont béninois, que cest parce quils sont de bons médecins. Et les Béninois espèrent quen cas de besoin, ils ne manqueront pas dapporter leur savoir-faire ici, et quà ce moment, nous saurons leur dire nous mêmes, et que pour linstant, nous navons désigné personne pour le faire à notre place.
Je voudrais signifier à tous les Africains de la terre, la solidarité des peuples dAfrique. Je voudrais leur rappeler ces versets de mon ami Zakari Dramani-Issifou, brillant historien dorigine béninoise, qui a consacré sa vie à éduquer des enfants de France :
Comme une bouteille jetée
dans un océan de désespérance inouïe
Ce nest quune mauvaise passe
LAfrique, la vraie, sen sortira
Le monde sort de notre terroir
Quon sen souvienne !
Je voudrais leur dire notre admiration de les voir sattacher à une sagesse de lhospitalité qui a toujours dicté, en Afrique :
« lorsque tu vas dans une maison pour vivre avec les femmes et les hommes déjà installés, offre-leur ton cur, tes mains et ton souffle. Respecte leur coutume tout en gardant la tienne. Ne cherche pas à tuer le propriétaire pour prendre sa place : tu pourrais bâtir un territoire de malédictions semblables à ceux des hommes de derrière la forêt. Enseigne cela à tes enfants ».
Je sais que cette sagesse nest pas universelle, quelle na pas inspiré en tout cas lhistoire, la culture ou léducation de certaines peuplades à qui on a enseigné très tôt :
« Quand tu tapprocheras dune ville pour la combattre, tu lui feras des propositions de paix. Si elle te répond : « faisons la paix ! », et si elle touvre ses portes, tout le peuple qui sy trouve sera astreint à la corvée pour toi et te servira. Mais si elle ne fait pas la paix avec toi, et quelle engage le combat tu frapperas tous ses hommes au tranchant de lépée. Tu garderas seulement comme butin les femmes, les enfants, le bétail et tout ce quil y a dans la ville » (Deutéronome. 20)
Où veux-je en venir ? A lidée que la visite du définitivement, de lirrémédiablement étranger Sarkozy, au Bénin est une déclaration de guerre, que cette guerre, le peuple noir est désormais prêt à laffronter, quaprès la traite négrière et la colonisation, sil nest pas prêt maintenant, sil continue dadmettre limpunité face à lhumiliation, à lopprobre, à la corruption, sil ne sait pas enfin utiliser lépée que ses mains et sa terre ont fourni à la terre, cest quil serait taré. Et lhistoire actuelle des idées montre que ce nest pas lui qui est taré. Que ce nest pas sa « civilisation qui savère incapable de résoudre les problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance » ; que ce nest pas sa civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux » ; que ce nest pas sa « civilisation qui ruse avec ses principes » (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Paris, Présence africaine, 1955, P. 7) et que la décadence se trouve ailleurs, si flagrante quaucun homme respectable, quaucun homme raisonnable ne saurait comprendre que la solution que lon propose à cette déconfiture avancée soit encore une fois linstrumentalisation du peuple noir.
Pour ma part, si jutilise ici une expression à laquelle mon vocabulaire nest pas habitué, cest parce que les faits my ont enfin poussé. Cest parce que quand on fouille un président africain au Canada et que, hasard des calendriers, on décide, sans avoir proposé une étude économique préalable, une comparaison entre la production-consommation de notre diaspora en France et les charges quelle représente pour ce même pays, dune loi pour restreindre la mobilité des Noirs sur la terre qui nous appartient collectivement, je dis, je me sens désormais appartenir à un peuple dont lantériorité sur tous les autres peuples de la terre gêne, dont la culture a fécondé le savoir humain et dont la force de travail permet de gigantesques réalisations modernes.
En revanche, si depuis plus de deux décennies, en France, les lois sur la migration se suivent et se ressemblent dans leur inefficacité, cest parce quelles ne sont point inspirées par les vrais problèmes contemporains. Cest parce quelles sont dictées par un fétichisme dagitateurs ambitieux et de charlatans dont lintelligence, au bout de son sinistre parcours, se trouve imbue derreurs et de vices considérés comme certitudes et traités comme telles, avec derrière, lagrégation dune vision hitlérienne du monde ayant toujours suscité des bêtises impunies. Cest parce quarmés de cette impunité consacrée comme naturelle par la traite et le colonialisme, des ministres sadiques, non seulement macrotteurs politiciens lèche-chèques et magistrats aux ordres, mais pareillement et au même titre, journalistes fielleux, des paternalistes, des corrupteurs, des donneurs de tape dans le dos, des diviseurs, des endormeurs, des mystificateurs, des baveurs, et dune manière générale, tous ceux qui jouent leur rôle dans la sordide division du travail pour la défense de la société occidentale et bourgeoise, tentent de fuir les vrais débats en choisissant demblée un bouc émissaire : Les Noirs.
« Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne sagit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et den faire une loi. » (Césaire, idem, p. 13). Et ben non ! Ce nétait pas de Nicolas Sarkozy mais bien dAdolphe Hitler. La différence est que le dernier proclame, lautre fait la loi.
« Il ne faut pas oublier que lesclavage na rien de plus anormal que la domestication du cheval ou du buf. Il est donc possible quil reparaisse dans lavenir sous une forme quelconque. Cela se produira même de manière inévitable si la solution simpliste nintervient pas : une seule race, supérieure nivelée par la sélection. » Décidément, Monsieur Sarkozy ne manque pas de maîtres à penser. Celui-ci sappelait Lapouge. Mais cest lacadémicien Jules Romain qui lui inspire le plus son inquiétude face aux médecins dorigine béninoise :
« Il mest arrivé davoir en face de moi une rangée dune vingtaine de Noirs purs Je ne reprocherai même pas à nos nègres et négresses de mâcher du chewing-gum. Jobserverai seulement que ce mouvement a pour effet de mettre les mâchoires bien en valeur et que les évocations qui vous viennent à lesprit vous ramènent plus prêt de la forêt équatoriale que de la procession des Panathénées La race noire na encore donné, ne donnera jamais un Einstein, un Stravinsky, un Gerswin. »
Voilà la culture de celui qui rêve de devenir président des Français et quun certain nombre de Français laisse faire. Il nest pas question, en ce qui nous concerne, de nous contenter de prévenir ce coup-ci. Monsieur Sarkozy est un ennemi de lAfrique. Monsieur Sarkozy propose des mesures racistes anti-noires à des problèmes qui nont rien à voir avec la couleur de la peau, avant même davoir cerné quels sont ces problèmes. Donc, si Monsieur Sarkozy est plébiscité par les Français, je veux dire que si les Français démissionnent et ne trouvent pas meilleure intelligence pour se pencher sur leurs problèmes, cest toute la France qui devient ennemie de lAfrique. Cest toute la France qui devra rendre compte des dérives actuelles et passées.
Les collabos seront appréhendés. Il ne sera plus question de tergiverser, mais davancer. Voilà ce que nous voudrions charger Monsieur Boni Yayi de transmettre à nos frères et surs de lextérieur ainsi quà la République française.
Camille Amouro
Directeur de La Médiathèque des Diasporas