Le pays, ses airs de réconciliation…

Adebayor_KaderDancing.jpgCe soir, 7 février 2006, match amical entre le Togo et le Cameroun, sous la conduite de Stephen Keshie, autrefois viré par Rock Gnassingbe, lequel vient d’être viré lui-même pour laisser sa place au milliardaire Tata Avlessi. On dit le Togo sur la voie de la réconciliation. Un match de foot suffirait-il à éprouver le concept?

Imprimer
Adebayor_KaderDancing.jpg1. Ce soir, 7 février 2006, match amical entre le Togo et le Cameroun, sous la conduite de Stephen Keshie, autrefois viré par Rock Gnassingbe, lequel vient d’être viré lui-même pour laisser sa place au milliardaire Tata Avlessi.  On dit le Togo sur la voie de la réconciliation. Un match de foot suffirait-il à éprouver le concept ? Il est vrai que la chute de Rock Gnassingbe a redonné du baume au cœur aux supporters togolais, lesquels voient le retour du technicien Nigerian comme le signe d’une bénédiction et la revanche contre un système décrié. On verra si Keshie survivra à la trop grande admiration de ses supporters.
2.       En attendant, hier 6 février, le plasticien togolais Sokey Edorh avait décidé de mettre le discours sur la réconciliation à l’épreuve. L’homme a de la suite dans les idées. Le 4 Octobre 2002, à la veille de la célébration de la date du 5 Octobre 1990, anniversaire du premier soulèvement contre la dictature de feu Gnassingbe Eyadema, Sokey (dont le prénom signifie réconciliation et pardon !) avait sculpté une statue de jeune lanceur de pierres, un de ces « Ekpémog » qui ont donné leur vie lors du soulèvement, et l’avait installé sur le plus grand boulevard de Lomé, en fac du commissariat central. Sa performanc attira du monde, badauds et flics compris. Trois jours plus tard, la police arrêtait le lanceur de pierres et le mettait en cellule, au propre. Quatre ans plus tard, à l’heure où l’on dit le peuple et l’armée réconciliés, Sokey a décidé d’aller faire une demande de libération et de restitution du lanceur de pierres. La veille, il nous avait prévenus par sms de l’heure et du lieu de sa nouvelle performance. Quand j’arrivai sur les lieux, la première phase de sa performance artistique et politique avait commencé. Il exécutait une danse rituelle : un sac en bandoulière frappé du drapeau togolais, dans les mains un drapeau français et un autre de l’UE, il se promenait sur le terre-plain en face du night club « Sunset Boulevard ». Salut militaire à un camion de gendarmes qui passe, les hommes en armes s’étonnent visiblement de cette danse sous le soleil, en pleine rue. Sa danse terminée, il nous invite à l’accompagner à la direction de la Sûreté Nationale pour la deuxième phase, la demande de restitution.

sokeyportrait_01.jpgSur place, les flics ont l’air tout étonnés d’une telle demande, et nous expliquent l’histoire de l’arrestation de la sculpture. Des riverains apeurés auraient fait appel à la police pour qu’elle enlève l’objet. Seulement, nous disent-ils, eux ne peuvent prendre la décision de rendre l’objet d’art, il faudrait que nous retournions au Commissariat Central parler à leur patron. Au moment de repartir vers cette nouvelle destination, un flic nous met en garde contre l’homme à qui nous allons faire la demande, il serait un impulsif, et pourrait mal interpréter notre démarche. Nous le remercions et démarrons vers le commissariat cebntral. Manque de pot ou subterfuge, quand nous avons demandé à rencontrer le commissaire, il nous fut expliqué qu’il était absent, et que nous devrions revenir à 15 heures. Sokey décida alors que la performance était finie, et qu’il reviendrait seul plus tard. Nous nous sommes retrouvés plus tard autour d’un pot, et discuté autour de la notion de courage et de responsabilité. « Il n’y a pas d’intelligence sans courage », disait Sokey citant Kant.
3.      Ce matin, surprise, nouveau sms de Sokey. J’avais oublié de dire qu’en face du Sunset, il avait également déposé une autre sculpture pou une performance intitulée « Togo à vendre », avec son numéro de portable marqué dessus pour discuter du prix de la vente d’un pays qu’il dit bradé aux puissances étrangères ! Eh bien les flics l’ont appelé ce matin. « J’ai eu la visite des forces de l’ordre à l’exposition du boulevard au passage du Président Faure, disait son sms. Il a tourné la tête pour regarder son Togo à vendre. J’ai été convoqué par téléphone, je me suis rendu sur les lieux, à suivre… » J’ai appelé Sokey de suite, il rigolait au téléphone, il ira les voir plus tard. Peut-être le lanceur de pierres sera-t-il enfin libéré et la vraie réconciliation mise en branle au Togo. L’art est le meilleur révélateur selon Sokey de l’état mental d’un pays qui se cherche. Affaire à suivre…
     

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.