
2. En attendant, hier 6 février, le plasticien togolais Sokey Edorh avait décidé de mettre le discours sur la réconciliation à lépreuve. Lhomme a de la suite dans les idées. Le 4 Octobre 2002, à la veille de la célébration de la date du 5 Octobre 1990, anniversaire du premier soulèvement contre la dictature de feu Gnassingbe Eyadema, Sokey (dont le prénom signifie réconciliation et pardon !) avait sculpté une statue de jeune lanceur de pierres, un de ces « Ekpémog » qui ont donné leur vie lors du soulèvement, et lavait installé sur le plus grand boulevard de Lomé, en fac du commissariat central. Sa performanc attira du monde, badauds et flics compris. Trois jours plus tard, la police arrêtait le lanceur de pierres et le mettait en cellule, au propre. Quatre ans plus tard, à lheure où lon dit le peuple et larmée réconciliés, Sokey a décidé daller faire une demande de libération et de restitution du lanceur de pierres. La veille, il nous avait prévenus par sms de lheure et du lieu de sa nouvelle performance. Quand jarrivai sur les lieux, la première phase de sa performance artistique et politique avait commencé. Il exécutait une danse rituelle : un sac en bandoulière frappé du drapeau togolais, dans les mains un drapeau français et un autre de lUE, il se promenait sur le terre-plain en face du night club « Sunset Boulevard ». Salut militaire à un camion de gendarmes qui passe, les hommes en armes sétonnent visiblement de cette danse sous le soleil, en pleine rue. Sa danse terminée, il nous invite à laccompagner à la direction de la Sûreté Nationale pour la deuxième phase, la demande de restitution.
Sur place, les flics ont lair tout étonnés dune telle demande, et nous expliquent lhistoire de larrestation de la sculpture. Des riverains apeurés auraient fait appel à la police pour quelle enlève lobjet. Seulement, nous disent-ils, eux ne peuvent prendre la décision de rendre lobjet dart, il faudrait que nous retournions au Commissariat Central parler à leur patron. Au moment de repartir vers cette nouvelle destination, un flic nous met en garde contre lhomme à qui nous allons faire la demande, il serait un impulsif, et pourrait mal interpréter notre démarche. Nous le remercions et démarrons vers le commissariat cebntral. Manque de pot ou subterfuge, quand nous avons demandé à rencontrer le commissaire, il nous fut expliqué quil était absent, et que nous devrions revenir à 15 heures. Sokey décida alors que la performance était finie, et quil reviendrait seul plus tard. Nous nous sommes retrouvés plus tard autour dun pot, et discuté autour de la notion de courage et de responsabilité. « Il ny a pas dintelligence sans courage », disait Sokey citant Kant.
3. Ce matin, surprise, nouveau sms de Sokey. Javais oublié de dire quen face du Sunset, il avait également déposé une autre sculpture pou une performance intitulée « Togo à vendre », avec son numéro de portable marqué dessus pour discuter du prix de la vente dun pays quil dit bradé aux puissances étrangères ! Eh bien les flics lont appelé ce matin. « Jai eu la visite des forces de lordre à lexposition du boulevard au passage du Président Faure, disait son sms. Il a tourné la tête pour regarder son Togo à vendre. Jai été convoqué par téléphone, je me suis rendu sur les lieux, à suivre
» Jai appelé Sokey de suite, il rigolait au téléphone, il ira les voir plus tard. Peut-être le lanceur de pierres sera-t-il enfin libéré et la vraie réconciliation mise en branle au Togo. Lart est le meilleur révélateur selon Sokey de létat mental dun pays qui se cherche. Affaire à suivre