
Si le théâtre est illusion, la littérature ne lest pas moins. Cette affirmation, un brin péremptoire, vaut peut-être une démonstration.
Un écrivain public, tous les jours écrivait des lettres, des pétitions, et des documents de tout genre pour ses clients du Boulevard Dekon, Lomé. Pour dominer au mieux sa profession, il lisait toutes sortes de livres: de la philosophie au droit, en passant par la BD et la littérature de coeur Adoras et Harlequin, quil achetait à crédit à la librairie LHarmattan Togo chez un civil du nom de Taama.
Lécrivain voulait tout savoir; mais ny arrivait pas. De guerre lasse, il décida dacheter un perroquet chez lanimalier du coin, un certain Kantchebe.
Peut-être par frustration de nêtre pas devenu un grand écrivain qui sait-, lécrivain public prit lhabitude de répéter à haute voix tandis quil lisait: Oh, quels mensonges! Ce ne sont que des mensonges!
Le perroquet apprit la litanie et commença à faire son perroquet. Souriant, son maître lui caressait le bec en murmurant dans sa barbe même pas fleurie comme celle de Madavane, un écrivain de New Delhi dont il était jaloux: Oui, mon ami, quest-ce quun écrivain public sinon un menteur. un grand menteur qui fait son théâtre. Et de siroter son vieux rhum frelaté ramené du Nigeria par le marchand Zotti!
Les années passèrent. Un jour, sapprêtant à faire un long voyage pour Ithaque ou Dasa-Zoumé, il ne savait plus vraiment, lécrivain public emmena perroquet et valises à Dekon pour son dernier jour de travail. Afin de pouvoir écrire tranquille, il recouvrit la cage dun voile noir honteux pour faire accroire à loiseau que la nuit était tombée. Un caprice du vent fit tomber le tissu à linsu du maître.
Une femme se présenta, qui voulait une lettre damour, un bourgeois illettré vint commander un discours, un usurier Juif une lettre de reconnaissance de dette. A chaque fois, au moment où il sapprêtait à rédiger ce quon lui dictait, le perroquet sécriait: Mensonges! Mensonges!
Effrayés, les clients disparaissaient en se croyant poursuivis par le fantôme du théâtre. Cela amusait tant le vieil homme quil prit loiseau sur son épaule, et se dirigea vers locéan, se disant à lui-même: Oui, mon oiseau. Mensonges Mensonges Mais que serait la vie sans ces illusions?
Bon festival à vous, lecteurs et admirateurs des illusionnistes venus de France, dInde, du Bénin, de Haiti, vivant au Togo, et où sais-je encore!
Directeur artistique du festival
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P.S. Cet texte est inspiré librement dune nouvelle de la romancière brésilienne Guiomar de Grammont, extrait du livre De pele e de pelo (De peau et de poil).