La chronique de Roger Gbegnonvi: Rosine Soglo vs Faure Gnassingbe

gbegnonv_0.jpgLors de son dernier voyage au Bénin, l’actuel Président du Togo, Faure Gnassingbe, élu contesté dans son pays, a eu à subir la fronde de l’ex première Dame du Bénin, Rosine Soglo. Je ne sais, personnellement, si tous les Togolais seraient d’accord avec la manière dont a été traité leur « mal-élu ». En tout cas, la réaction de l’intellectel béninois Roger Gbegnonvi m’a interpellé, en tant que citoyen et intellectuel togolais, et je vous propose de la discuter. (K.A)

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gbegnonv_0.jpgOr donc Rosine a très bien agi
(Par Roger Gbégnonvi)

Après une pause passablement longue probablement due aux éreintements de l’élection présidentielle, notre Rosine nationale a repris du service. Ce fut d’abord sur le dossier de la révision de la constitution, dossier dans lequel on la vit prendre une position que d’aucuns jugèrent regrettable, s’agissant d’elle, maman respectée et estimée. Et c’est à présent sur le faux dossier du protocole d’Etat, protocole que d’aucuns lui reprochent d’avoir malmené le 1er août dernier en ne se levant pas pour saluer un des chefs d’Etat en visite chez nous. Et chroniqueurs, éditorialistes et grogneurs de lui tomber dessus à bras raccourcis. La pauvre ! Crucifiée par notre ignorance. Dans cette affaire en effet, les contempteurs de Rosine ont parfaitement tort, et c’est Rosine qui a parfaitement raison, trois fois raison.
Rosine a raison parce qu’elle a agi conformément aux canons occidentaux de l’étiquette et de la bonne éducation, canons européens et nord-américains qui constituent l’essentiel de notre Protocole d’Etat. Selon ces canons, une femme ne se lève pas pour saluer un homme, fût-il chef d’Etat. C’est à l’homme qu’il revient, en toutes circonstances officielles et publiques, d’aller vers la dame, de s’incliner devant elle, de prendre sa main, si elle daigne la lui offrir, pour lui faire respectueusement un baise-main. C’est ainsi, et notre ignorance n’y changera rien. On regrettera d’ailleurs que notre Protocole d’Etat n’ait pas cru devoir, par un simple communiqué, remettre à l’heure les pendules de tous les instituteurs improvisés en mal de leçon de politesse à l’adresse de l’ex-première dame. Pour le reste, les proches de sa famille savent les raisons légitimes pour lesquelles Rosine préfère saluer désormais à l’indienne ou à la rasta sans être ni indienne ni membre de la secte de Bob Marley.

Rosine a raison parce qu’elle est capable de rouerie et que nul prêtre ne devrait lui donner le bon Dieu sans lui avoir imposé une confession longue et circonstanciée. Mais où se trouve la malice lorsqu’à l’approche de l’enfant, Rosine s’est volontairement évanouie dans son fauteuil, en voyant foncer sur elle un héritier lourdement promis au TPI parce que densément coupable de l’errance africaine dont un aspect particulièrement détestable se vérifie sur le territoire national qui n’en avait pas besoin ? Qui reprochera à la septuagénaire, dont l’époux est togolais de mère et de cœur, qui lui reprochera d’avoir ressenti une immense douleur à la vue de celui qui a provoqué la fuite de nombreuses familles togolaises aujourd’hui encore à la traîne à Comé et ailleurs au Bénin, à l’abandon sous des tentes de misère, sous le soleil, dans la poussière et dans la boue ? Rosine dans le rôle de parent fouettard pour redresser les bretelles à un jeune homme inconscient de son péché originel ? Si oui, Rosine fut parfaite dans ses habits de maman et de grand-maman.
Rosine a raison parce qu’elle n’aime pas – mais alors pas du tout ! – les hommes qui se baladent sans femme et qui, à l’analyse, se révèlent hommes à femmes. Rosine n’aime pas ‘‘ça’’. Et, de ce point de vue, le hors-venu qui fonça sur elle le 1er août 2006 n’avait rien pour lui convenir parce que depuis qu’il a violemment reçu en héritage la magistrature suprême dans son pays, personne n’a vu derrière lui, lors de ses déplacements officiels, l’ombre d’une femme. Rosine n’aime pas ‘‘ça’’. Elle a instauré au Bénin l’ère charmante et jolie des First Ladies. Qui lui reprochera de regretter amèrement que le pays de sa belle-mère n’ait pas aussi, en bonne, belle et due forme, sa First Lady ?
Si les deux dernières raisons, d’ordre parfaitement subjectif, peuvent néanmoins être invoquées pour tordre le cou aux contempteurs de Rosine, la première raison est d’ordre parfaitement objectif et suffit à elle seule à justifier Rosine. En se levant pour saluer un chef d’Etat, Rosine, en tant que femme, lui fait beaucoup d’honneur. En restant noblement dans son fauteuil pour le saluer, Rosine est dans son rôle de femme et ne déshonore pas le chef d’Etat qui, dans son rôle d’homme, doit s’incliner et rendre hommage à Rosine assise. C’est ainsi. Et, le 1er août 2006, Rosine a très bien agi.

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