
(Par Roger Gbégnonvi)
Après une pause passablement longue probablement due aux éreintements de lélection présidentielle, notre Rosine nationale a repris du service. Ce fut dabord sur le dossier de la révision de la constitution, dossier dans lequel on la vit prendre une position que daucuns jugèrent regrettable, sagissant delle, maman respectée et estimée. Et cest à présent sur le faux dossier du protocole dEtat, protocole que daucuns lui reprochent davoir malmené le 1er août dernier en ne se levant pas pour saluer un des chefs dEtat en visite chez nous. Et chroniqueurs, éditorialistes et grogneurs de lui tomber dessus à bras raccourcis. La pauvre ! Crucifiée par notre ignorance. Dans cette affaire en effet, les contempteurs de Rosine ont parfaitement tort, et cest Rosine qui a parfaitement raison, trois fois raison.
Rosine a raison parce quelle a agi conformément aux canons occidentaux de létiquette et de la bonne éducation, canons européens et nord-américains qui constituent lessentiel de notre Protocole dEtat. Selon ces canons, une femme ne se lève pas pour saluer un homme, fût-il chef dEtat. Cest à lhomme quil revient, en toutes circonstances officielles et publiques, daller vers la dame, de sincliner devant elle, de prendre sa main, si elle daigne la lui offrir, pour lui faire respectueusement un baise-main. Cest ainsi, et notre ignorance ny changera rien. On regrettera dailleurs que notre Protocole dEtat nait pas cru devoir, par un simple communiqué, remettre à lheure les pendules de tous les instituteurs improvisés en mal de leçon de politesse à ladresse de lex-première dame. Pour le reste, les proches de sa famille savent les raisons légitimes pour lesquelles Rosine préfère saluer désormais à lindienne ou à la rasta sans être ni indienne ni membre de la secte de Bob Marley.
Rosine a raison parce quelle est capable de rouerie et que nul prêtre ne devrait lui donner le bon Dieu sans lui avoir imposé une confession longue et circonstanciée. Mais où se trouve la malice lorsquà lapproche de lenfant, Rosine sest volontairement évanouie dans son fauteuil, en voyant foncer sur elle un héritier lourdement promis au TPI parce que densément coupable de lerrance africaine dont un aspect particulièrement détestable se vérifie sur le territoire national qui nen avait pas besoin ? Qui reprochera à la septuagénaire, dont lépoux est togolais de mère et de cur, qui lui reprochera davoir ressenti une immense douleur à la vue de celui qui a provoqué la fuite de nombreuses familles togolaises aujourdhui encore à la traîne à Comé et ailleurs au Bénin, à labandon sous des tentes de misère, sous le soleil, dans la poussière et dans la boue ? Rosine dans le rôle de parent fouettard pour redresser les bretelles à un jeune homme inconscient de son péché originel ? Si oui, Rosine fut parfaite dans ses habits de maman et de grand-maman.
Rosine a raison parce quelle naime pas mais alors pas du tout ! les hommes qui se baladent sans femme et qui, à lanalyse, se révèlent hommes à femmes. Rosine naime pas ça. Et, de ce point de vue, le hors-venu qui fonça sur elle le 1er août 2006 navait rien pour lui convenir parce que depuis quil a violemment reçu en héritage la magistrature suprême dans son pays, personne na vu derrière lui, lors de ses déplacements officiels, lombre dune femme. Rosine naime pas ça. Elle a instauré au Bénin lère charmante et jolie des First Ladies. Qui lui reprochera de regretter amèrement que le pays de sa belle-mère nait pas aussi, en bonne, belle et due forme, sa First Lady ?
Si les deux dernières raisons, dordre parfaitement subjectif, peuvent néanmoins être invoquées pour tordre le cou aux contempteurs de Rosine, la première raison est dordre parfaitement objectif et suffit à elle seule à justifier Rosine. En se levant pour saluer un chef dEtat, Rosine, en tant que femme, lui fait beaucoup dhonneur. En restant noblement dans son fauteuil pour le saluer, Rosine est dans son rôle de femme et ne déshonore pas le chef dEtat qui, dans son rôle dhomme, doit sincliner et rendre hommage à Rosine assise. Cest ainsi. Et, le 1er août 2006, Rosine a très bien agi.