
L’écrivain béninois, Florent Couao Zotti, visiteur assidu de ce blog, m’a envoyé cette chronique que je vous invite à partager. J’espère que d’autres chroniques de Florent viendront enrichir le blog. Depuis que son compatriote Roger Gbegnonvi a ouvert son propre blog, j’étais à la recherche d’une autre signature du Bénin, j’espère que Florent acceptera la proposition, en attendant que Zik démarre la sienne de chronique par le reportage sur Pierre Akendengue que nous lui avons imposé, gentiment! (K.A)
Depuis que ses compatriotes lont plébiscité à la tête de lEtat, le président du Bénin, le Dr Boni Yayi, expérimente une méthode de gestion singulière. Une méthode qui emprunte à la fois à lexigence du banquier, à lautorité du chef et surtout au châtiment du maître fouettard. Il est vrai que les Béninois, sensibles à son slogan de campagne et échaudés par les errements de Kérékou et sa clique, lont préféré à la classe politique et lui ont demandé ce qui, ici sapparente presque à une doctrine : le changement. Un changement que lui-même a décliné en anaphore sur ses affiches de propagande : « Ça va changer. Ça peut changer. Ça doit changer ».
Premier signe du changement : la formation du gouvernement. Aucune personnalité issue des crottes de lancien régime, aucun poil du système kérékouiste. Toute la cliquaille aux dents carnassières, versatile quand change le vent, a beau clamer son appartenance au nouveau maître, aucune écharpe ne leur fut lancée.
Deuxième chantier : limpunité offerte, pendant longtemps, aux criminels économiques. Boni Yayi ne sest pas embarrassé de diplomatie pour traquer et mettre à lombre personnalités et anciens ministres convaincus de mauvaise gestion à la tête des entreprises dEtat ou des institutions. Le premier à en faire les frais, cest lhomme daffaire le plus puissant du Bénin, chef du parti dont, dailleurs, le secrétaire général est le président de lassemblée nationale. Malgré son appartenance à la nouvelle majorité présidentielle, malgré quil a appelé à voter pour lui au deuxième tour des élections, le richissime homme daffaires a été priée, sous escorte, daller faire ses comptes en taule. Pour des malversations liées à la gestion dune entreprise semi-publique dans laquelle il possède la plus grande part dactions.
On ne sest pas encore remis de nos émotions quand dautres mandats darrêts furent lancés contre dex-ministres du gouvernement défunt. Avec effet immédiat. Ministre des finances, ministre des enseignements professionnels. Avec la bénédiction appuyée du parlement. Puisque, pour être mis en accusation, les anciens ministres ou ministres en fonction qui sont présumés coupables de friponneries, doivent dabord faire lobjet dune requête de la part de lassemblée nationale.
Mais ce qui est spectaculaire, cest la sévérité avec laquelle le chef de lEtat traite ses propres collaborateurs : en lespace de sept mois de pouvoir, il vient de changer trois ministres. La première parce que cest une dame montrait, parait-il, trop dindépendance. Le deuxième, pour incompétence. Le troisième, pour mauvais résultat.
De la même façon, les cadres de ladministration sont régulièrement interpellés. Tel directeur dun service dont on attend des performances révèle son incompétence ? La sanction est sans appel. Tel responsable à la tête dune entreprise dEtat se fourvoie ? La dégringolade est immédiate. De sorte que, où quil se trouve, les hauts fonctionnaires de lEtat commencent sérieusement à en perdre le sommeil.
Je comprends que, dans un pays où les ministres, pendant longtemps, ont été des vaches sacrées, dans un pays où être ministre ou directeur de société dEtat est un gage de paresse notoire, je comprends quune telle manière de gérer les affaires publiques dérange. Une question dores et déjà me turlupine : la cohérence de léquipe gouvernementale dont laction doit converger vers le même objectif ne sen trouverait-elle pas perturbée ? Les collaborateurs de Yayi ne perdront pas plus de temps à lui faire plaisir plutôt que de viser des actions justes pour le développement du pays ? Que peut-on attendre dun cadre qui est sous pression et qui a peur de perdre sa place ?
Pour le moment, le peuple observe. Les hommes politiques se grattent la tête. Et être ministre aujourdhui ne signifie pas grand-chose. Sinon que dêtre giflable, révocable et fusible à tout moment.