Jimi Hope, « Satana » et le mystère du Boulevard Poissonniers

Imprimer

L’homme qui vient de mourir ce 04 août 2019 était une inspiration pour les gens de ma génération, jeunes étudiants turbulents des années 90 en quête de parole libérée. J’ai été à beaucoup de ses concerts, ici ou ailleurs, et chaque fois, exprès, je me mettais au premier rang. Pour l’entendre me crier dans le micro, devant tout le monde, « Alem, tu es de retour? » Cela m’a toujours fait rire. La blague remonte à un de ses concerts au Centre culturel de Lomé, en 1992. Je partais pour mes études à Bordeaux, et je le lui avais annoncé. Et donc, pour lui, j’étais à jamais parti et toujours de passage quand il me voyait. 1992, tous les étudiants de ma génération, du moins ceux qui aimaient les arts et les débats d’idées au Centre culturel français de Lomé, se souviennent de lui quand il interpellait la foule, avec cette chanson fétiche parlant d’un certain « Satana », dont personne ne voulait. Et ce refrain hurlé par les spectateurs électrisés: « Fofoo le dzi ele kpo mi loo » (Il est là haut et nous observe). Jimi était brillant. Et généraux envers ses jeunes frères fauchés qui aimaient le rejoindre au Boul’Mich, un bar défunt en face du Centre culturel français. Il vous jouait toutes les chansons que vous lui demandiez, et agrémentait la soirée de réflexions senties (genre démontrer que le blues est né dans la forêt de Bè!) Nous étions grands en sa compagnie, et tristes de le voir s’éloigner au bout de la nuit, avec sa guitare au bras. En 1993, jeune étudiant nostalgique, j’ai cherché partout son premier album dans les boutiques de Paris. Finalement, on m’informa qu’il se vendait Boulevard Poissonniers. J’ai cherché l’adresse et rejoint le lieu. Une dame m’a remis mon exemplaire, j’ai payé, et je me suis précipité dans mon studio pour écouter « Satana ». Le bonheur avait nom Jimi.

Il y a deux ans, j’ai appris la mort de son fils. Il me l’a confirmé. J’ai revu un homme sans énergie. La mort du fils l’avait transformé. Puis, j’ai perdu ses traces. Je me réjouis que la mort est un vêtement que nous porterons tous. « Satana », quitte ta tête sur la route, un homme va passer!

One thought on “Jimi Hope, « Satana » et le mystère du Boulevard Poissonniers”

  1. Merci Alem pour ce témoignage comme tu sais si bien les raconter quand tu les as vécus.
    Jimi va faire ce que tu sais bien faire ici bas là haut aussi Dieu te reçoive.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.