
1. La critique littéraire française na plus peur de rien ni de personne, même pas de sa propre vacuité. Jhallucine devant la recension du dernier roman de Philippe Besson, Un homme accidentel (Julliard), non vraiment je ne comprends pas le papier de Vincent Huguet, payé pour lire un livre et nous faire partager sa lecture. Sur une colonne entière, le critique se livre à un exercice méchant : commenter la couverture du livre, vraiment rien que cela. Et de sinterroger sérieusement, à mi-parcours de son bavardage paresseux : « Pourquoi, alors que tout le roman se déroule sur la côte ouest des Etats-Unis, la couverture nous montre une image prise à Brighton, sur la côte est ? Locéan contemplé par cet homme nest pas Pacifique mais Atlantique Est-ce si grave ? » (ML, p. 21) Et de conclure : « Belle image, sans doute moins en phase avec le roman que ne laurait été une piscine californienne » Pourquoi alors Vincent Huguet ne change-t-il pas de métier pour devenir éditeur ou critique des beaux-arts ? Léditorial du Magazine Littéraire nous promettait pourtant un changement, enfin, avec cette phrase de son rédac-chef, Joseph Macé-Scaron : « Ce qui menace la littérature, aujourdhui, ce nest pas le silence du désert total, mais la volubilité exubérante » (p. 3). Exactement cqfd !
2. Dans le même numéro du ML, la romancière camerounaise Léonora Miano inaugure lexercice dadmiration que le magazine confiera désormais chaque mois à un auteur pour rendre hommage à un auteur qui la marqué. Miano choisit Toni Morrison, et recommande la lecture de deux de ses romans, Sula et Beloved Jaurais rajouté Jazz (quelle aurait dû appeler Gospel, je pense, par rapport aux scansions des phrases) et Tar baby, mais bon, on ne ta rien demandé, K.A Lexercice est sans complaisance, jai failli en recracher mon Paracétamol®. Entre consurs on peut bien se dire quelques vérités, non ? Miano trouve Morrison « verbeuse, exagérément lyrique, inutilement complexe, comme dans un refus de brader les révélations quelle nous fait. » (p. 86). Jai cru un instant quelle parlait dEdouard Glissant, le « Chinois » de chez Gallimard ! Dans la traduction ou dans loriginal ? Un exemple des défauts de la dame Morrison, citation à lappui ? Non, aucun, les deux pages imparties à lexercice sont trop courtes, vous comprenez. Puis elle poursuit, et là, la réflexion devient intéressante et problématique. « Il nest pas surprenant que Toni Morrison, qui a connu la ségrégation raciale, écrive avant tout contre la suprématie blanche, et cherche à inverser la symbolique admise des couleurs La suprématie blanche na pas cessé dexister. Elle se traduit par aujourdhui à travers lidée communément admise que loccidentalisation serait lunique planche de salut pour les peuples du tiers-monde notamment. Pourtant, peut-être parce que je vis en France, un pays où le racisme, sil existe, nest pas allé jusquà inscrire la ségrégation raciale dans les textes de loi, il ne me vient pas à lesprit décrire pour me venger de loppresseur. Tels des astres éteints, mon dernier roman, vise à poser la question de la couleur dans un contexte français, mais sans vouloir culpabiliser personne Il sagit non pas de fragmenter la France, mais de lui faire, en quelque sorte, la courte échelle, pour quelle se hisse à la hauteur de ses idéaux » (p. 87)
Jai coupé dans largumentation de Miano, et je men excuse, mais langle dattaque me paraît ouvrir la voie à un débat intéressant sur les questions de public. On sait au moins maintenant pour qui Miano a écrit Tels des astres éteints et pour quels objectifs ! Qui adit que la littérature africaine nétait plus engagée dans les grands idéaux !
3. Bon, je fatigue, je devrais aller me coucher. Surtout après ce que je viens de lire dans Le Monde des Religions, sous la plume dAlphonse Tiérou. « Un masque africain nest pas une uvre dart. » (p. 56). Larticle sintitule Visage de masque, et est consacré à une présentation de la statuaire Wêon (Côte dIvoire). Franchement, je croyais que plus personne ne tenait ces genres de discours parmi les chercheurs africains, depuis les travaux de Mveng, Mbembe ou Soyinka, même en se référant simplement à la notion de « champ » développé dans la sociologie de Bourdieu. Tiérou, Tiérou ! Si javais été un moine Shaolin, je taurais défié à porter un masque Egungun, le masque des revenants dans la mythologie Yoruba, et danser jusquà épuisement, non mais grand-frère, arrête tes nègreries !