Je ne suis pas grand lecteur de poésie. Et pourtant jen possède, des livres de poésie. Jen collectionne même dans des langues que je ne déchiffre pas. Je minvente des rendez-vous avec mes opus, genre je les lirai quand viendra lheure où le corps (pas lesprit, jespère) sentira venir le poids du passage à labsence éternelle. On peut lire la poésie au quotidien, comme guide, comme bréviaire, je n’en disconviens pas. Mais je crois qu’elle sied beaucoup au dernier âge, car elle sait archiver à merveille ce que le poète congolais Gabriel Okoundji appelle joliment les vocables de léternité. Okoundji, justement, cela fait huit mois (juillet 2008-mars 2009) quil ma offert son dernier recueil de poèmes, Prière aux Ancêtres, paru en 2008 aux Editions Fédérop. Pratiquement tous les jours, jai tripoté ce livre, car je lavais laissé dans ma sacoche dordinateur, et je le feuilletais chaque fois que javais du temps libre. Le temps de le finir et découter le CD qui laccompagne, Souffle de lHorizon Tégué/Destinée dune parole humaine (une réalisation de Michel TRIBOY), lequel CD a obtenu le Prix Charles Cros, que déjà léditeur du poète annonce la sortie dun nouvel opus du poète, Au Matin de la Parole, à paraître en avril 2009 aux Editions Fédérop.
Il faut donc se hâter de lire Okoundji, pour ne pas passer à côté du cheminement de sa parole. Une parole dinitié, au propre comme au figuré.
Au propre. Une conteuse, Ampili, et un vieux sage, Papa Mpampou, sont les maîtres éternels de linitié. Sous leur gouverne, il parcourt « la vallée où se récolte la sagesse
au-delà des vapeurs du ciel, du froid et du vent des océans » (p. 33). Ce quil ramène de ces promenades, a laugure des enseignements essentiels, ceux qui nourrissent lhumain dans la solitude des interrogations et du labeur incommensurable, ceux qui napportent que rarement des réponses, puisque la question seule est immortelle, comme le cri dun mortel. Linitié sait désormais, au long de ces longues errances, et nous laffirme :
Le temps enseigne au temps que le monde entier repose
Sur les genoux
Dune fourmi. LHomme ne connaît le soleil que de vue, il lui
Manque les faveurs de lexpérience du réel.
Un soleil qui se cherche dans le ciel nest plus un soleil
Une lune qui se cherche dans le ciel est une promesse tenue (p. 79).
Conclusion : il faut un fleuve pour faire une source.
Initié, le poète lest aussi au figuré, et encore ! Le 5 juillet 2005, le poète est en voyage au Portugal. Comme lui, je connais ce pays. Il visite le monastère des Hiéronymites. Comme lui, jai eu la chance dêtre passé dans les mêmes lieux. Mais là sarrête le jeu de la comparaison. Ce quil y a vécu, je ne lai pas vécu, car il nest donné quaux poètes le don de danser avec les morts. Oui, en visite au Portugal, Okoundji va connaître ce moment ineffable, celui dun instant de communion avec une chimère( ?) surgie du tombeau de Pessoa :
Je visite le monastère des Hiéronymites dans la ferveur dun instant qui tient lieu de vérité. Je méveille dans le bonheur dêtre en ces lieux qui me rappellent que toute folie est mensonge du rêve. Ma vue se délivre enfin des vanités du ciel et de la terre et jattends, et jattends et jattends face à léternité.
Soudain, éclate une vision sur la tombe de Fernando Pessoa. On dirait la danseuse des flots du Tage parée de toutes les lumières de Belém. Elle danse, elle minvite, je swingue le fado, jénumère sa voix et mon chant se fait langue portugaise dans la clameur dune prière à la terre et au feu.
Je te salue poète dans le rituel des poètes. » (Page 117)
Conclusion : désormais je sais comment danser avec Pessoa, grâce en soit rendue au poète des rives de Garonne et du Congo.
« Initier, cest apprendre à donner avec le regard de lhomme
Cest donner le savoir dans toute la clarté du secret » (p. 25)
Comme la plupart de ses recueils de poésie, la Prière aux ancêtres dOkoundji est bilingue, français-occitan.
GABRIEL OKOUNDJI, Prière aux Ancêtres, Préface et version occitane de Jean-Pierre Tardiu, Editions Fédérop, collection Paul Froment, 2008. 18 .