Source de l’article: FOFO MAGAZINE
Dans un pays où lasphyxie économique qui sévit depuis quinze ans a fini dinstaurer un génocide culturel et de diviser le pays, les «Éperviers» (nom de léquipe nationale de football) comme la musique (le hip-hop en particulier), incarnent pour la jeunesse togolaise non seulement les «seuls moments de relaxation sociale» mais aussi les «canaux» vers une réelle réconciliation nationale. Mais, contrairement au ballon rond, le hip-hop est véritablement le creuset dans lequel se fondent et sinterpénètrent «les différentes traditions togolaises». Quoique ce nouveau « monde musical » qui tarde à se structurer, est miné par divers maux qui sont fils de la tragédie politique que traverse la « Terre de nos aïeux » (Togo) depuis quatre décennies. Des «Black Syndicate» (impulseurs du mouvement hip-hop du côté de Lomé) fin 85-90 à la floraison dartistes ou de groupes de nos jours, tout en passant par la sortie du premier album dans ce genre musical (fruit dune complicité entre O. Below et Y. More), le hip-hop togolais sest profondément métamorphosé. Il sest du coup défini un «glossaire» tout aussi riche que coloré, toutefois loin des sentiers dune quelconque contestation manifeste et à outrance dont se revendique le mouvement lui-même à ses origines. Cest dire que bon nombre des textes des artistes togolais évoluant dans cette mouvance musicale sont chargés surtout des thèmes de lamour ainsi que des appels à la résistance devant les vicissitudes de la vie. Lévocation et linvocation de Dieu y sont également très présentes, implicitement ou explicitement comme dailleurs dans toute la musique togolaise. Lauditoire du hip-hop sur la terre de B. Below semble cependant navoir que cure de cette particularité. En témoigne lengouement de cette musique auprès des jeunes et peu à peu auprès des « adultes », lorsque le hip-hop vient à se marier avec les chants traditionnels ( ce quon convient dappeler ici « tradi-hip »), mieux, avec les vieux succès de la chanson togolaise (remix). Toutefois, ces postures musicales sont encore très peu empruntées par les artistes togolais. En fait, plus quun style musical, le hip-hop apparaît aux yeux de ses adeptes togolais comme un ensemble qui dépasse le contexte purement artistique : mode, mouvement et danse hip-hop en sont ses composantes. Sidentifier à ce mouvement revient à faire sien une certaine forme de « philosophie » qui a pour prétention non avouée de rompre avec le BCBG (Bon Chic Bon Genre) des années 80-90. Pourtant, les mordus (acteurs comme public) du présent genre musical ne voient pas toujours la vie en rose, tant leur « joyau commun » touché par divers maux, semble être fugace et manqué de soins. Tout aussi internes quexternes, ces maux sus-évoqués relèvent dune part de la sphère artistique elle-même et dautre part du marché du disque togolais. Pour ce qui est du premier cas, il faudra souligner l «absence » de structures de production dignes de ce nom et accessibles financièrement à lartiste « moyen » de hip-hop togolais. Dans un tel contexte, la promotion qui constitue la rampe de lancement dune carrière dans le show-biz, est tout simplement ignorée à défaut dêtre faite à pas de charge. Du coup, il nest pas rare de voir un seul titre ou clip dun artiste «trôner» ou passer à satiété sur les médias avant la sortie effective de lalbum sur lequel il figure plusieurs mois plus tard.
Dans le second cas, la piraterie musicale (dont Lomé constitue une «plaque tournante » en Afrique de louest) couplée à létroitesse du marché discographique togolais suffisent largement à sceller le sort de «pauvres » artistes. Bon nombre damateurs de hip-hop ont tendance à aimer les produits musicaux plutôt que leurs auteurs. Pire, on consomme rarement les productions togolaises. Préférer une copie piratée dun CD Compact Disc) dun Eminem ou dun Usher à un original dun Eric MC, ou soit opter pour un gravage des tubes à succès togolais pour ensuite les diffuser sans aucune «entrave» dans un lieu public, sont des « sports nationaux » au Togo. De plus, la presse togolaise dans sa globalité naccorde une certaine visibilité à cette mouvance musicale que durant linstant dun méga-concert ou géante manifestation culturelle. Pas démissions-débats, darticles, de sites Internet sur le sujet, sinon parcellaires ou «tronqués».
Nonobstant cette litanie dobstacles, on assiste à un fourmillement de « naissances » dartistes ou de groupes dans cette sphère musicale, presque un « accouchement » par mois, sinon plus. La région maritime (sud du pays) remporte la « palme dor » dans ce domaine même si rencontrer des « fidèles » du hip-hop du sud au nord comme de lest à louest du pays ne relève plus dorénavant dune gageure. Bien évidemment, ces lots dartistes ne sont pas logés à la même enseigne. Daucuns ont plus de popularité que dautres. Parmi les tenants du mouvement, citons entre autres Eric MC, Ali Jezz, le groupe Djanta Kan, Wedy, Small Poppy, Orcyno, O. Below etc. En réalité, faute de données « fiables » sur les ventes dalbums de tel artiste par rapport à un autre ou de sondages crédibles, la cote de ces artistes ne sétablit que sur la base des concerts quils organisent ou encore leur passage en boucle sur les chaînes de radio et de télévision. Même lorganisation des « Togo Hip-Hop Awards » (qui seront à leur troisième édition cette année) na pas suffi à lever léquivoque sur cette question à cause de divergences existant entre organisateurs et certains artistes. Cependant, lémulation que crée la mise en place dune telle cérémonie est de nature à animer et encourager la concurrence autour du hip-hop togolais, une concurrence de laquelle « coulera » la crème de ce mouvement musical qui deviendra peut-être « Most Wanted » sur le marché musical continental, pour reprendre dans ce sens le nom dun groupe de la place dont lunique clip (qui « inonde » actuellement le paysage audiovisuel loméen) est une parfaite illustration de la donne prévalant dans le hip-hop «made in Togo».
P.S. En écoute, un titre d’ERIC MC, pardon ERIC, c’est trop beau, on verra pour les droits d’auteur: schoolvi togo – Track 07.mp3
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