Le cheval du chef Kotokoli
« Les Fons avaient déserté leur village pour se rendre chez les Kotokoli du Togo, à une demi-journée de marche, afin d’assister à la cérémonie du cheval. » Ainsi débute le 42e chapitre du roman Cheval-Roi du camerounais Gaston-Paul Effa, publié en 2001 aux Editions du Rocher en France.
L’allusion à la cérémonie du cheval concerne ici le fameux rituel qui a tant fasciné les sociologues du monde entier, et qui a fait même poser cette question brutale à Jean-Claude Barbier, sociologue français ayant longtemps travaillé sur la culture tem (ou kotokoli) et enseigné à l’Université du Bénin, actuelle Université de Lomé : « Comment ce peuple, qui adore les chevaux et qui se précipite à chaque fête pour les voir caracoler, peut-il les massacrer ? » Rappel des faits. A la mort du chef kotokoli, la coutume exige que son cheval l’accompagne dans l’outre-monde. Ainsi donc, afin que le chef puisse partir satisfait, les guerriers procèdent à l’abattage rituel du cheval censé être celui du roi, après lui avoir fait faire trois fois le tour de la demeure royale. Au cri de « Roi, voici ton cheval ! », ils se mettent à le sabrer et le premier qui réussit à plonger la main à l’intérieur du poitrail, afin d’en retirer le cœur, a le droit le premier à boire le fameux breuvage spécialement macéré pour l’occasion. C’est de scène, que lui a racontée l’écrivain Sami Tchak, que Gaston-Paul Effa s’est inspiré pour écrire quelques pages mémorables de son roman. « Vers la fin du jour, le pur-sang n’était plus que gisant tas de viscères. Et encore continuait-il de se vider. Ses boyaux, son cœur et ses poumons formaient une masse vermeille qui s’écoulait lentement… Ceux qui regardaient le cheval dans les yeux pouvaient le voir pleurant sa mort » (p. 137)
Mais ce rituel kotokoli, Effa ne l’a pas beaucoup approfondi ; il s’en sert juste pour montrer un aspect de l’évolution psychologique de son personnage, bâtard ignoré par son père, abandonné par sa mère, qui cherche dans l’exil, dans l’amour des hommes et des chevaux, dans les souvenirs de son passé une bouée de sauvetage pour son identité perturbée par le débarquement des Alliés une nuit de juin 1944 en Normandie. Par ailleurs, la lecture de ce roman réservera quelques surprises aux lecteurs qui voudraient s’y lancer. Mon collègue camerounais est un écrivain raffiné. Je suis resté ébaubi devant certaines de ses phrases ; allez, celle-ci par exemple : « Le cheval-roi portait autour de lui, avec la volée sombre de son crin, Dieu sait quel indicible goût de cuir, de racines et de terre – et très poivrée (je souligne), cette attache, en deçà des fastes sucrés de toutes les forêts. » C’est beau, j’en conviens, brillant comme du Gaston-Paul Effa, mais le cheval qui sent le poivre… Allez, à mardi prochain, Inch’Alem !
Je suis tombé par hasard sur cette chronique que l’ai lue avec grand intérêt, car étant béninois et séjournant actuellement au Togo. Votre texte me permet en effet de découvrir Gaston-Paul Effa que je n’avais jamais lu. Sami Tchak, un peu oui, et vous aussi, surtout dans les colonnes de la revue Notre Librairie. Ce récit qu’il emprunte à l’aire traditionnelle Kotokoli est une manière de participer à la diffusion de la pensée culturelle africaine. Et moi, j’apprécie lorsque les auteurs puisent leur inspiration dans les réalités authentiques du continent.
Je suis tombé par hasard sur cette chronique que j’ai lue avec grand intérêt, car étant Béninois et séjournant actuellement au Togo. Votre texte me permet en effet de découvrir Gaston-Paul Effa que je n’avais jamais lu. Sami Tchak, un peu oui, et vous aussi, surtout dans les colonnes de la revue Notre Librairie. Ce récit qu’il emprunte à l’aire traditionnelle Kotokoli est une manière de participer à la diffusion de la pensée culturelle africaine. Et moi, j’apprécie lorsque les auteurs puisent leur inspiration dans les réalités authentiques du continent.
« Ceux qui regardaient le cheval dans les yeux pouvaient le voir pleurant sa mort. » … :-( C’est à vous fendre le coeur.