Carnet de route: Malabo(3)

Mardi 23 mars: bavardages officiels à l’ambassade de France. Il y a là Ivanne, Pahé et moi. Nous rencontrons le chef de mission. Gérard Blondel, attaché de coopération autrefois en poste à Lomé assiste à l’entretien. L’ami Gérard m’a l’air désabusé par Malabo, mais bon, je dois reconnaître que le Togo peut manquer à quelqu’un qui y a vécu!

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Mardi 23 mars: bavardages officiels à l’ambassade de France. Il y a là Ivanne, Pahé et moi. Nous rencontrons le chef de mission. Gérard Blondel, attaché de coopération autrefois en poste à Lomé assiste à l’entretien. L’ami Gérard m’a l’air désabusé par Malabo, mais bon, je dois reconnaître que le Togo peut manquer à quelqu’un qui y a vécu! Pahé caricature à tout-va le chef de mission, tout en parlant inlassablement de lui-même, de son itinéraire de dessinateur franc-tireur. J’aime les gens qui savent parler d’eux-mêmes, je devrais en prendre de la graine. Pahé est vraiment disert, mais il va trouver plus fort que lui dans les minutes qui suivent. Soudain, la porte du bureau s’ouvre et entre… l’ambassadeur himself. Plus loquace que le dessinateur, il va voler la vedette à ce dernier pendant les dernières minutes que nous allons passer ensemble. J’avoue qu’il est sympa, cet ambassadeur. Pahé lui offre une BD, il consulte l’ouvrage puis l’embarque sans demander un autographe, normal il doit incessamment nous quitter pour aller assister à la levée de bière d’un diplomate équato-guinéen décédé dans la semaine, « une vieille gloire de la diplomatie locale », avait-il lancé, avant de conclure tout en finesse, « vous voyez à quoi un ambassadeur passe ses journées, jeunes gens! »
Le chef de mission, au moment de partir, nous offre à Pahé et moi un agenda 2010 de l’ambassade de France en Guinée Equatoriale. Au moins, pensai-je, j’ai de quoi faire un bloc-notes pour mon carnet de voyage, rien que pour les pages qui vont de janvier à mars 2010!
L’après-midi, j’ai commencé la première session de mon atelier d’écriture. A l’évidence, les participants (Quatre garçons et une fille) attendent de moi que je leur fasse découvrir le sésame-ouvre-toi de l’écriture. Je joue le jeu et questionne leur connaissance de la tradition littéraire équato-guinéenne. Peine perdue. Selon eux, il n’y aurait pratiquement pas d’écrivains dans le pays. Je n’en crois pas un mot, et laisse tomber le sujet. Au fond, la plupart d’entre eux sont des immigrés ici, leurs parents sont venus du Gabon, du Mali ou Cameroun, à la recherche d’une vie meilleure. Ils rêvent d’écrire, mais comme je leur explique, tout écrivain se rattache à une tradition littéraire, la leur, il leur faudrait la chercher, fût-elle nationale, continentale ou internationale. Ils ont peu lu, voilà leur drame. Certains sont slammeurs, et n’ont pas vraiment leur place dans cet atelier, mais que faire… Je passe aux exercices pratiques des techniques de la narration (motivations, recherche d’un thème, le travail sur le décor du récit, angles de la narration, etc), et découvre que ces menues choses leurs sont étrangères. Qui parle dans une fiction? L’auteur ou le personnage? Moi, répond le jeune slammeur. Mes amis semblent perdus, mais jouent le jeu eux aussi. Je propose de décrire un décor de récit, le port de Malabo à 5h du matin. L’un des participants sèche. « Je n’ai jamais été au port, encore moins à cette-heure-là, dit-il. » « Invente le port », lui dis-je. Non, il ne peut pas, point. Ecrire, imaginer, pousser son imagination hors des cadres du vécu. Ils ont du pain sur la plache, et moi aussi par conséquence!

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