Carnet de route : Bujumbura

buja_6.jpg1. Bock ou Primus? Théogène K, l’ami, le grand-frère, animateur de l’émission « Mille Soleils » sur RFI, me l’avait expressément ordonné : « à Buja, quand tu iras, tu boiras une Primus à ma santé! » Même si, des bières fabriquées au Burundi, je préfère l’Amstel Bock, j’ai savouré la Primus en riant sous cape, de l’histoire d’amour entre Théo et la Primus : un jour qu’il avait fui Kigali, il était arrivé à Buja, il faisait chaud. Il entra dans le premier bar et commanda une bière. C’est après l’avoir descendue qu’il se rendit compte qu’il n’avait pas un sou pour régler la « facture ». Il y a des situations où l’on comprend vraiment ce que signifie l’expression: « c’est une question de vie ou de mort ».

Imprimer
buja_6.jpg 1. Bock ou Primus? Théogène K, l’ami, le grand-frère, animateur de l’émission « Mille Soleils » sur RFI, me l’avait expressément ordonné : « à Buja, quand tu iras, tu boiras une Primus à ma santé! » Même si, des bières fabriquées au Burundi, je préfère l’Amstel Bock, j’ai savouré la Primus en riant sous cape, de l’histoire d’amour entre Théo et la Primus : un jour qu’il avait fui Kigali, il était arrivé à Buja, il faisait chaud. Il entra dans le premier bar et commanda une bière. C’est après l’avoir descendue qu’il se rendit compte qu’il n’avait pas un sou pour régler la « facture ». Il y a des situations où l’on comprend vraiment ce que signifie l’expression: « c’est une question de vie ou de mort ».

pedicure_0.jpg2. Pédicure : Ce matin, je suis entré au « Salon de Beauté, chez Aysha ». J’aime, dans toute ville africaine, éprouver ce principe personnel selon lequel, plus il y aura des hommes qui feront la pédicure, plus le regard des femmes sur les mâles africains évoluera. A Nd’jamena, une fois, un ami m’avait fait remarquer qu’au Tchad, on assimile cette attitude de se faire soigner les pieds à celle d’un shomoroka, un homme-femme. Tant mieux, il se trouve que je me sens terriblement androgyne, et puis quoi… Assis au milieu de toutes ces femmes venues se faire belles chez Aysha (me trouvent-elles mignon, au moins?), les pieds doucement massés par la machine à ramollir les cellules mortes (oh happy feet!), je songe à la complexité de l’histoire politique du Burundi. Le pays vient de sortir de la guerre, mais le pays va mal, comme l’aurait chanté Tiken Jah Fakoly. Le nouveau Président, Pierre NKURUNZIZA, un ancien prof de gym passé par la rébellion militaire du CNDD-FDD, a de la peine à gérer ses alliés du FRODEBU. Les faits : le Frodebu décide de quitter le gouvernement d’union et somme ses ministres de démissionner. Ces derniers, au nombre de trois, refusent de quitter la mangeoire et se proclament indépendants. On se croirait presque au Togo, suivez mon regard! Ah, quand l’esprit partisan reprend ses droits en politique, pourquoi perdre son temps à gloser sur la solidarité entre anciens maquisards? Pendant ce temps, le nombre des enfants de la rue continue d’exploser littéralement dans le pays, malgré le travail des ONG; et le décalage entre pauvres et riches aussi. Bientôt la mission des Nations-Unies pour le Burundi fermera ses portes, à la demande des nouveaux hommes forts du pays. Le pays s’en portera-il mieux? Il y a quelques jours, coup de théâtre, le Président s’est entretenu avec les auditeurs en direct sur deux radios locales, il a promis que ça ira mieux, bientôt. Oh, Seigneur, faites que ça aille plus vite que cela!

point_1.jpg3. Crash au Paradis, la pièce que je suis venu monter à Buja. Comédie douce-aigre sur le thème de l’entrée au paradis: trois religieux et une prostituée tentent de franchir la porte du paradis, en vain. Trois ans de collaboration patiente et d’ateliers où se sont succédés à Buja mes amis Kossi Efoui, Florent Couao-Zotti, Pascal Nzonzi, Gabriel Okoundji, pour arriver à cette création internationale. J’en profite pour remercier l’ami de toujours, Jacques Rafaitin, directeur du CCF de Bujumbura qui s’en ira vers d’autres cieux d’ici quelques mois. Et aussi les comédiens qui se sont prêtés à ce travail de kamikaze: à peine 12 jours pour créer un spectacle de facture professionnelle. C’était un pari risqué, je le reconnais, mais un pari gagné. Par-delà la morale décalée de la pièce, les cas d’interférence linguistique sont tellement nombreuses dans le texte de Jean-Pierre Nzeyimana qu l’on s’y perd parfois. Celui-ci me plaît particulièrement : « Quand on lance les santés en l’air, chacun se précipite pour ramasser les siennes », entendez : quand on lance les couilles en l’air, chacun court après les siennes! Epatant, non? Je quitte le Burundi avec l’espoir que le théâtre renaisse dans ce pays, où l’on a plus entendu, ces 15 dernières années, le chant des machettes et des orgues de Barbarie que les cris de joie des spectateurs venus découvrir la création d’un de leurs compatriotes.

Adieu, Buja, ville que je porte au coeur définitivement, et dont j’ai fait le cadre de ma nouvelle, « Un privé à Bujumbura », que vous lirez dans mon prochain recueil de nouvelles, Un rêve d’Albatros, à paraître en septembre 2006 aux Editions Gallimard, dans la fameuse collection Continents Noirs, dont certains de mes amis, et non des moindres, disent tant de bien! Quand on lance les couilles en l’air… à votre santé!

P.S. Remerciements spéciaux à: Frank et Eric, mes anciens copains de fac, qui s’en vont eux aussi bientôt du coin après plusieurs années passées à travailler à la Mission des Nations -Unies pour le Burundi; à Gabriel, grand-frère débonnaire, l’autre Togolais du Pnud. Que la terre fertile du Burundi vous rende au centuple tout ce que ma modeste personne ne peut vous rembourser. Amitiés, pour toujours!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.