Ondjaki lisant Beckett en portugais, Tanella Boni en français, Evans Hunter (Ghana) en anglais… Nous avons lu dans nos langues Fin de Partie de Becket pour conclure les cérémonies de la World Cup littéraire à Mülheim, en Allemagne. Le théâtre de Becket se prête admirablement à lexercice du bruissement des langues. Dans cette arène de 32 nationalités, les langues se chevauchaient dans un découpage précis : larabe, le serbo-croate, le coréen, le japonais, le néerlandais
Quand jai lu ma partie, en français, jai soudain ressenti comme un malaise. À ma droite était assis Philippe Malone, dramaturge et photographe français ayant vécu au Togo, je lai regardé et soudain jai compris le piège dans lequel lexercice mavait enfermé, à savoir que jétais censé représenter le Togo et je lisais Becket dans une langue certes parlée au Togo mais « étrangère » à la moyenne des Togolais, fondamentalement !
Soudain, jai eu envie dentendre ma langue maternelle au milieu de toutes ces langues du monde. Et puisque limprovisation théâtrale ne ma jamais fait peur, en attendant que mon tour de lecture revienne, jen ai profité pour traduire le court monologue de Hamm, le personnage de Beckett, en un mélange déwé et de mina, les deux langues véhiculaires du Togo que je parle. Dommage que Tanella Boni ne mait point suivi en traduisant sa partition en dioula ou baoulé, ni Evans Hunter en gan ou ashanti. Je me suis néanmoins dit que jallais continuer lexercice sur le blog, et proposer à mes amis, écrivains ou simples amateurs des lettres, de traduire, chacun dans sa langue (tem, basque, gaélique, swahili, lingala, sango, fang
) le court extrait suivant de Fin de partie de Samuel Beckett. Avis donc aux courageux, mon petit atelier de traduction en langues africaines et autres est ouverte !
Voici le court monologue à traduire, ne faites pas attention aux didascalies.
HAMM : « Et puis ? (Un temps.) Instants nuls, toujours nuls, mais qui font le compte, que le compte y est, et lhistoire close. (Un temps. Ton de narrateur.) Sil pouvait avoir son petit avec lui (Un temps.) Vous ne voulez pas labandonner ? Vous voulez quil grandisse pendant que vous, vous rapetissiez ? (Un temps).) Quil vous adoucisse les cent mille derniers quarts dheure ? »
Samuel Becket, Fin de partie, Editions de Minuit, 1957, page 109.