« Je nai jamais pensé un jour écrire la lettre et lappel suivants adressés à lorganisation Ecrivains Sans Frontières. Mais quand tout seffondre autour de nous et que lon saperçoit que personne dans le monde des vivants, nest en mesure dentendre nos plaintes et même nos cris, on se met à frapper à toutes les portes. Juste pour se donner limpression de refuser que la mort ne nous gagne chaque jour un peu plus. » Un appel au secours d’une simple poétesse, reçu ce matin par le réseau d’Ecrivains sans frontières, et qu’on m’a demandé de diffuser, pour rappeler que ceci peut nous ariver tous! (K.A.)
« Je n’ai jamais pensé un jour écrire la lettre et l’appel suivants adressés à l’organisation Écrivains Sans Frontières. Mais quand tout s’effondre autour de nous et que l’on s’aperçoit que personne dans le monde des vivants, n’est en mesure d’entendre nos plaintes et même nos cris, on se met à frapper à toutes les portes. Juste pour se donner l’impression de refuser que la mort ne nous gagne chaque jour un peu plus. Nous sommes une famille palestinienne et nous détenons des papiers égyptiens. Mes frères et moi sommes nés au Koweït que nous avons dû quitter à la suite de la guerre du golfe. Notre père pensait bien faire en nous amenant en Irak où nous espérions trouver de meilleures conditions de vie. C’est dans ce pays avec les conditions de boycott qui lui ont été imposées, que nous avons donc vécu à partir de 1992. Après l’occupation américaine de l’Iraq, les conditions de vie y sont devenues insupportables, pour les Irakiens d’abord mais aussi et surtout pour les réfugiés palestiniens, notamment au cours des derniers mois. Tout le monde est au courant des violences quotidiennes, des voitures piégées, des enlèvements, des liquidations physiques sur fond ethnique et confessionnel. Les Palestiniens comme les iraquiens sont devenus la cible de ces actes et de nombreux iraquiens sont contraints de quitter leur pays pour chercher la sécurité ailleurs. Nous autres Palestiniens, détenteurs de papiers égyptiens, sommes dans l’incapacité de quitter l’Iraq. Aucun pays arabe ou autre n’accepte de nous recevoir sur son sol et même le gouvernement égyptien ne le consentirait que pour les femmes et les enfants. Aussi nous avons continué à essayer de survivre sur place, dans un pays devenu une grande prison avec la peur et la terreur en plus. Nous n’avons jamais pensé que cela deviendrait à ce point insupportable ! Mon père est mort il y a deux ans à la frontière irako-jordanienne en essayant vainement de pénétrer en Jordanie où il possède des biens. La Jordanie lui refusait l’entrée de son territoire parce qu’il avait des papiers égyptiens. Il y a deux mois, mon frère a été arrêté par la garde nationale irakienne parce que le hasard a voulu qu’il se soit trouvé pas très loin du lieu d’une explosion… mais c’était surtout parce qu’il était Palestinien. Il s’en est tiré au bout de deux semaines de tortures indescriptibles ! Jusque là on pouvait penser que la situation pouvait encore être acceptable, malgré ses horreurs. Mais voilà que notre frère a été enlevé devant nos yeux et assassiné, le plus simplement du monde, sans motif ! Il est difficile dans ces conditions de se donner l’illusion de pouvoir continuer à vivre ici. J’ai la vive impression que nous sommes des morts vivants en Iraq. On nous dénie toute dignité, toute humanité. Quand les irakiens ne se sentent pas en sécurité, ils peuvent partir ailleurs, on les laisse aller facilement dans le pays de leur choix, arabe ou autre. Pas nous ! Ma famille se compose de notre mère, directrice d’école qui a formé des générations durant de nombreuses années. Et mes frères et soeurs :
Amer Rached : Etudiant ingénieur en magistère : Maîtrise des systèmes électroniques. Mohamed Rached : Etudiant en 3ème année d’Ingéniorat en mécanique
Sarra Rached : Etudiante en 2ème année : Maîtrise des systèmes électroniques.
Puis Soundess et Balsam Rached : moins de 18 ans.
En plus de mes neveux, dont le père vient d’être assassiné et de leur mère. Nous comptions partir en Egypte mais son gouvernement n’autorise pas l’entrée de mes frères sur son territoire. Il n’est pas question de les laisser ici, en Iraq, dans les conditions connues par tous et que nous essayons de fuir. Le gouvernement Syrien a pris récemment la décision d’autoriser l’entrée sur son territoire des réfugiés palestiniens d’Iraq et nous avons tant espéré de cette décision. Mais cette décision ne leur donne aucun choix que celui de rejoindre le camp des réfugiés d’Alhaska, dans les pires conditions. Je ne demande pour moi et ma famille qu’une seule chose : qu’un pays quelconque, arabe ou autre, nous autorise à rentrer et vivre sur son territoire. Nous ne serons aux crochets ni de la société qui nous accueille ni de personne. Notre famille est suffisamment éduquée et formée pour participer de plein pied à la vie de la société qui nous reçoit et lui donner plus qu’on n’en reçoit. Aidez-moi à transmettre mon appel à n’importe quel responsable, dans n’importe quel département ou ambassade, de n’importe quel pays. Je n’ai jamais sollicité qu’on m’aide à publier mes poèmes et mes écrits, mais s’il vous plaît, aidez-moi à diffuser ou faire diffuser cet appel, sur n’importe quel journal ou site Internet. Je suis au bord de la folie et j’y vais tout droit, chaque jour un peu plus. Merci ! »
Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique www.tlaxcala.es
Source : www.ism-france.org