2010-2011. Flamboyante littérature togolaise?

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L’année 2011 s’annonce bien pour la littérature de mon pays. En février, Sami Tchak et Kossi vont inaugurer le bal, avec les titres suivants, des romans: Al Capone le Malien (Mercure de France) et L’ombre des choses à venir, un titre très Ancien testament (Le Seuil). Après, je ne sais pas. Il faudra guetter les sorties jusqu’à décembre. Localement, j’ai eu peu d’infos sur les sorties à venir. On murmure la sortie d’un nouveau roman de Daniel Lawson-Body, auteur du récit La Déméninge, roman paru en 2009. J’ai essayé de savoir la programmation des deux maisons d’édition qui occupent le haut du pavé à Lomé, Graines de Pensée et Moffi, rien, pas de réponse de la part des éditeurs à qui j’ai écrit. J’ai peut-être choisi mal le moment pour faire la demande, qui sait! D’ailleurs, la communication des éditeurs locaux est un problème jamais résolu. En 2010, les éditions Moffi ont ainsi sorti deux livres dont on n’a pas beaucoup parlé. Il s’agit des Chroniques de la caserne de Gerry Taama et du livre consacré à la musique togolaise par Basile Adewussi, et intitulé La Chanson Togolaise, de la Tradition à la Modernité. Dans une chronique généreuse, Tony Feda a beaucoup encensé le receuil de nouvelles de G. Taama. Je trouve personnellement qu’il n’a pas dit tout, car autant il avait démoli exagérément La Déméninge de Lawson-Body, autant il s’est tu sur les insuffisances du livre de Taama, un livre sans sommaire (du moins pour l’exemplaire que j’ai entre les mains), bourré de fautes de concordances de temps, comme si l’éditeur avait fait l’économie du nécessaire toilettage éditorial. Les mêmes défauts se retrouvent dans l’essai d’Adewussi, et m’obligent à attirer l’attention de l’ami Gerry Taama, patron des éditions Moffi, sur ce point capital. Sans préjuger nullement de la qualité du contenu des livres, que je laisse à l’appréciation de chaque lecteur. 2010 a été aussi l’année du cinquantenaire des indépendances africaines, marqué au Togo par la sortie de l’essai d’Edem Kodjo, Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire, dont j’ai déjà parlé sur ce blog. Le lecteur relira également le roman de Theo Ananissoh, Ténèbres à midi, un livre que mes étudiants en troisième année de Lettres Modernes à l’Université de Lomé ont beaucoup plébiscité, contrairement à mes réserves de lecteur.

Je fais cet exercice de mémoire en m’efforçant de ne rien oublier comme titre. Je cherche des titre signés par des femmes. Je n’en vois pas., mais je ne sais pas non plus si je ne suis pas aveugle. Je me souviens d’autre titres.  Gilbert Gbessaya, Voyage dans la société de Bougeotte. Un livre d’un certain Alexandre de Souza que je n’ai pas lu.  Kossi Senam, Un hôpital, des morts. En poésie, il y a le texte de Joseph Koffigoh, L’épopée des éléphants. Peut-être en oublie-je, le lecteur complétera. Je voudrais signaler un dernier livre, encore un essai. Les romanciers togolais sont souvent peu étudiés par la critique universitaire (Kossi Efoui a été l’objet d’un colloque à Paris 3), mais une belle thèse consacrée à l’oeuvre de Sami Tchak vient d’être publiée chez L’Harmattan que je m’empresse de signaler. Le livre intitulé Audaces érotiques dans l’écriture de Sami Tchak vient ouvrir la voie à une lecture moins passionnée et paresseuse des romans de Tchak. Le jeune critique togolais Satra Baguissoga s’emploie admirablement à entrer dans le projet d’écriture de l’auteur, sans préjuger à l’avance de quelque volonté perverse de ce dernier d’écrire pour un public particulier. Un essai franc qui révèle un critique appliqué.

Dernière remarque. pour autant que les titres s’allongent, n’oublions pas une vérité. le boom annoncé de la littérature s’épuise également. Sous couvert d’anonymat, j’ai posé la question à un écrivain togolais de ma génération de me dire son sentiment pour le futur. Sa réponse, claire, rejoint la mienne: « Les auteurs togolais, on a vite fait le tour, tu sais? Le boum annoncé tourne autour des mêmes noms, il n’y a pas encore une relève digne de ce nom à l’horizon à ma connaissance. Les mêmes tenteront de tenir encore bon, mais la suite ne s’annonce pas forcément glorieuse. Les suivants, pour le moment, à partir des manuscrits que je reçois pour lire en vue d’un coup de main, me semblant nettement moins outillés intellectuellement, souvent d’une culture littéraire quasi nulle. ce qui les pousse à avoir des certitudes ridicules quand on sait ce que veut dire littérature. »

Récemment, une jeune prétendant à l’écriture m’a harcelé pendant trois mois pour que je l’aide à publier un manuscrit. Corrige d’abord, lui ai-je demandé. Non, il était pressé me répondait-il. Il voulait devenir célèbre (sic). Le « fun » de l’affaire, c’est que ce jeune homme en question n’avait lu des écrivains togolais que Yves-Emmanuel Dogbé. Comment peux-tu me demander de l’aide sans m’avoir lu, ai-je poliment demandé? Tu ne sais même pas si je vaux la peine. Quand il m’a quitté, je me suis demandé si je le reverrais jamais. Je lui ai quand même prêté un livre de Tchak, d’Efoui et de moi. Écrit-on sans connaître la tradition littéraire de son pays? Fut-elle mince? Flamboyante littérature pas si flamboyante que cela. Bonne année 2011.

P.S. David Kpelly a obtenu en 2010 le Prix littéraire France-Togo, zut, ah je savais que j’en oubliais!

Audaces Erotiques Dans l’Ecriture de Sami

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